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De 1804 à 1814, Bonjean de Chambéry, nommé receveur de la barrière de la Grand’Croix, se mit avec passion à explorer le Mont-Cenis. Il recueillit une riche moisson de plantes qu’il s’empressa de communiquer aux illustrations de son temps, notamment à de Candolle, Bertoloni et Reichenbach. Huguenin, son compatriote et son élève, marcha sur ses traces, et, de 1830 à 1840, en fouilla toutes les stations. Il n’eut pas d’égal comme collectionneur. Joignant à une constitution vigoureuse une ardeur peu commune, il ne craignait pas de récolter jusqu’à six cents échantillons de la même espèce. Sans s’arrêter jamais, il mettait les mêmes soins à partager ses récoltes avec les botanistes de France, d’Angleterre et d’Allemagne, toujours émerveillés des nouveautés qu’ils en recevaient. Le docteur Belot de Lanslebourg et le chanoine d’Humbert, professeur de physique au collège de Saint-Jean-de-Maurienne, se rencontrèrent plus d’une fois avec Huguenin sur le plateau du Mont-Cenis. Ces deux explorateurs firent du Mont-Cenis l’objet de leurs persévérantes recherches, et, pendant plus de quinze ans, chaque année les y ramenait invariablement avec un zèle que rien ne pouvait refroidir.

Les botanistes français n’ont pas manqué au Mont-Cenis. Nous pouvons citer dans le nombre : en 1828, Seringe, directeur du Jardin botanique de Lyon ; en 1839, Jordan, de Lyon ; en 1845, Lecoq de Clermont. Parmi les Suisses, nous avons à signaler, en 1845 et en 1863, Reuter, directeur du Jardin botanique de Genève ; en 1883, Mortier, professeur à l’académie de Neuchâtel, dont la perte toute récente a causé de grands regrets. Mon ami Charles Beautemps, vice-président du tribunal de la Seine, y fit un voyage de quinze jours en 1847, n’ayant eu qu’à se louer des prévenances et de l’amitié que lui a témoignées le prieur Albrieux. Les plantes de son voyage ont été données au Muséum d’histoire naturelle. Enfin, comme couronnement de cette œuvre de recherches, la Société botanique de France, composée de plus de cinquante membres, s’y montra dans la nuit du 30 juillet 1863, venant y terminer, en compagnie de nombreux botanistes italiens, sa session extraordinaire de Chambéry, présidée par S. E. le cardinal Billiet.


III.

En mai 1850, j’avais accompli un délicieux voyage sur le littoral méditerranéen, de Marseille à Nice, au milieu de toutes les splendeurs qu’enfante le climat des régions méridionales. Après avoir franchi le col de Tende, il me fallut compter avec les rigueurs du ciel ; assailli par des pluies torrentielles qui avaient transformé les chemins en véritables lacs, j’arrivai à Turin dans un état lamentable. L’hospitalité exceptionnelle qui m’attendait dans cette ville, chez un vieil