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qui pourrait vous appartenir un jour. Je prie Dieu qu’il vous conserve, et je puis vous assurer que ma consolation la plus parfaite sera de pouvoir vous donner des marques de l’amitié tendre et véritable que j’ai pour vous[1]

« Louis. »


« Madame, écrit de son côté le marquis de Torcy, ministre des affaires étrangères, qui possède toute la confiance de son maître, à la princesse des Ursins, dont l’influence est prépondérante dans les conseils du roi d’Espagne :

« Vous apprendrez encore, par le courrier que le roi dépêche aujourd’huy, la nouvelle perte que Sa Majesté vient de faire de M. le dauphin… Un enfant de deux ans a bien des événemens à essuyer avant que de parvenir à l’âge de pouvoir se gouverner lui-même. La situation présente fait faire, bien des raisonnemens… J’aurai l’honneur de vous dire que tous les étrangers vont porter leurs vues sur le roi d’Espagne, et que ceux qui ne veulent pas la paix ne manqueront pas de faire sonner bien haut la crainte qu’on doit avoir de la réunion des deux monarchies.

« Jusqu’alors, les affaires allaient à souhait du côté de l’Angleterre. Je vous avoue, madame, que je commence à craindre du changement après ces tristes événemens, et que je ne puis encore prévoir les sûretés que le roi et le roi son petit-fils peuvent offrir… J’ai écrit, par ordre du roi, en Angleterre, que le roi persistait constamment dans la résolution de convenir de toutes les sûretés nécessaires et possibles pour empêcher l’unité des deux couronnes… L’affaire présente et ses suites méritent bien que le roi et le roi d’Espagne y fassent les réflexions les plus sérieuses, et que Leurs Majestés catholiques informent le roi de ce qu’elles pensent. Sa Majesté donne même lieu au roi catholique, dans la lettre qu’elle lui écrit, de s’ouvrir avec confiance sur l’intérêt de la famille royale. »

Aux accens d’une tristesse sans doute un peu solennelle, quoique sincère et profonde, Louis XIV n’a pu se défendre, tant les circonstances sont graves, d’associer l’expression de ses anxiétés politiques. L’appel de Torcy aux délibérations mûries de la cour d’Espagne a été, comme il convenait, plus direct et plus pressant. Mais Philippe répondra simplement à son aïeul par quelques réflexions d’une banale insignifiance, et Mme des Ursins, après avoir entretenu

  1. Archives des affaires étrangères. — Nous y avons trouvé les copies des lettres autographes adressées précédemment par Louis XIV à Philippe V pour lui faire part de la mort du grand dauphin, de la duchesse et du duc de Bourgogne.