Non loin de là, nous aperçûmes l’éclat vacillant d’une lumière à travers ce voile vert et humide qui nous enveloppait.
— Est-ce que c’est là Firleiouwka ? demandai-je à Pinkas.
— Oui, monsieur.
— Mais tu disais tout à l’heure qu’il n’y avait pas d’habitation humaine entre Dubine et Wryzin ?
— Ce n’est pas non plus un homme qui demeure là.
— Qui, alors ?
— Un fou. Il est même fort possible qu’il ne veuille pas nous recevoir.
— Par un pareil temps ?
— Peut-être nous recevra-t-il à cause du temps, mais ce serait inutile d’y songer s’il faisait beau.
— Et c’est lui qui habite cette ferme ?
— Ce n’est pas une ferme, c’est un petit château dont le seigneur s’appelle Serbratowitsch. Avec lui, il n’y a que quelques vieux domestiques, très vieux.
— Et il est fou ?
— Il l’est à moitié.
Nous étions arrivés devant la grille de l’habitation. Des bouquets de lilas se penchaient au dehors par-dessus le mur. À travers les arbres du jardin, nous apercevions le toit et les tourelles du petit château.
Le juif frappa vigoureusement à la porte, et comme personne ne s’approchait, il se mit à crier très fort : « Au secours ! Au secours ! »
Quelques minutes après, un vieillard à la taille haute, aux cheveux et à la barbe blancs, apparut derrière la grille.
— Qui est-ce qui appelle ? demanda-t-il.
— C’est moi, Pinkas Glanzmann, avec un monsieur de Vienne. Les chevaux refusent de marcher plus loin, et par un tel temps, nous ne pouvons pas dormir à la belle étoile. Venez-nous en aide, monsieur Kajetan, faites-nous bon accueil.
— Cela ne se peut pas.
— Seulement jusqu’à demain.
— Monsieur l’a défendu.
— Expliquez-lui notre situation désespérée, Si nous périssons, ce sera votre faute.
— Eh bien ! nous allons voir.
Et le vieillard s’éloigna.
La pluie avait diminué, mais les éclairs illuminaient encore, de temps à autre, le noir firmament, le tonnerre grondait toujours, et l’ouragan continuait de secouer le faîte des arbres séculaires.
Quand le vieux domestique revint, il ouvrit souplement la porte,