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LE FOU DE FIRLEIOUWKA.

rience, tous les conseils étaient inutiles, elle ne devenait pas mère.

Un jour, la chasse entraîna le tsar jusque dans le cœur d’une forêt où il aperçut une petite chapelle. Dans le voisinage, un pieux ermite avait bâti sa misérable cabane. « Entre, dit l’ascète et élève ton âme à Dieu. Quiconque se prosterne dans ce lieu verra sa prière exaucée, mais une seule fois dans sa vie. Or, si tu as une faveur à me demander, réfléchis bien avant. »

Le tsar réfléchit, puis il entra dans la chapelle, tomba à genoux et pria : « Ô tout-puissant, dit-il, donne-moi un enfant, ne serait-ce que pour quelques années ! Quand il te conviendra de le reprendre, je ne me plaindrai pas, je m’inclinerai respectueusement devant ta volonté. »

Alors Dieu envoya un de ses anges sur la terre, et le coucha dans le berceau de la tsarine. Tout le monde se réjouissait dans le palais, dans tout l’empire, car un héritier était né au tsar.

C’était un garçon intelligent, beau et bon comme un ange. Il grandissait et tout le monde l’aimait. Alors, le tsar fut complètement heureux, et avec lui tout son peuple.

Mais, quand dix années se furent écoulées, l’ange déploya ses ailes qui reluisaient comme la neige, et s’envola vers le ciel d’où il était venu.

Le tsar tomba dans une profonde tristesse, et son peuple n’était pas moins affligé. Alors, une nuit, son enfant, resplendissant de l’éclat céleste, lui apparut et lui dit : « Ne pleure pas, je suis auprès de toi, jour et nuit, quand même tu ne me vois pas de tes yeux humains. »

Alors la paix et le calme entrèrent dans le cœur de l’homme abandonné. Partout où il se trouvait, il ressentait la présence de son ange, et il régna, sage et bienveillant, jusqu’à la fin de ses jours.

Serbratowitsch détourna la tête, et je vis des larmes briller dans ses yeux.

Dehors, le temps s’était tout à fait calmé. Le firmament était resplendissant. La riche odeur de la nuit, mêlée à la fraîcheur parfumée qui suit l’orage, remplissait la chambre. Serbratowitsch semblait m’avoir oublié ; il se pencha doucement vers l’enfant qu’il croyait serrer entre ses bras, et lui murmura des paroles d’amour. Avec un sourire charmant, il s’efforçait de deviner ses désirs ; puis, il lui souhaita une bonne nuit ; et une joie indicible se peignit sur sa figure pendant qu’il le suivait du regard jusqu’à la porte de la chambre voisine.

Tout à coup, il parut comme s’éveiller, et, se rappelant ma pré-