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n’ait trouvé le moyen de déclamer contre les conceptions théologiques, en invitant chaque Français à être son pape et son empereur !

C’est maintenant, à ce qu’il paraît, le langage des gouvernemens. L’essentiel est d’entretenir les passions radicales contre ce qu’on appelle le cléricalisme ! Et ils choisissent bien leur moment, ces ministres, lorsque, à côté d’eux, en face de leurs œuvres éphémères ou médiocres, un homme, un prêtre qui est l’honneur du pays, M. le cardinal Lavigerie, tente une entreprise nouvelle de dévoûment religieux et patriotique. Celui-là ne s’occupe guère des partis, et pendant qu’on lui refuse quelques légers subsides, il ne cesse de travailler à étendre l’influence de la France par ses missions en Algérie et en Tunisie. Il fonde des écoles, à propos desquelles un général français lui rendait récemment encore un juste hommage. Aujourd’hui, il se fait l’apôtre d’une sorte de croisade pour aller détruire l’esclavage au cœur de l’Afrique. Il conspire pour la grandeur de la France, au moment où M. le président du conseil, interrogé sur la séparation de l’église et de l’état, vient de promettre de l’audace ; c’est une audace bien employée !

Le malheur de cette politique de déclamation et de désorganisation qui règne aujourd’hui est de ne pas trop savoir ce qu’elle fait et d’être exposée à recueillir les fruits amers de ses faux calculs, de ses confusions anarchiques. Elle n’en est pas à se trouver en face des difficultés et des complications qu’elle se crée à elle-même ; elle y est aujourd’hui, et peut-être plus sérieusement que jamais, avec toutes ces grèves qui se succèdent dans les centres industriels, surtout avec cette grève qui vient d’éclater à Paris même parmi les ouvriers terrassiers. C’est une histoire qui n’a rien de nouveau. Les ouvriers demandent une augmentation de salaire et une diminution de travail ; ceux qui ont pris l’initiative du mouvement courent les chantiers pour débaucher leurs camarades, et au besoin, pour les forcer à quitter leur tâche. De proche en proche, la grève s’étend sous l’impulsion de hardis meneurs ; — elle est aujourd’hui dans toute son intensité ! Les ouvriers s’abusent sans nul doute sur leurs intérêts et même sur leurs droits. Ils ouvrent sans profit possible pour eux-mêmes une crise meurtrière pour l’industrie. Soit ; mais enfin, cette grève, qui l’a préparée ? Elle est tout simplement l’œuvre du conseil municipal de Paris, qui lui a donné son programme, son mot d’ordre, et du gouvernement, qui s’est prêté aux fantaisies de l’Hôtel de Ville. Il a plu au conseil municipal de décréter, il y a quelques années déjà, des séries de prix pour les industries ; il lui a plu d’instituer une sorte de socialisme communal en imposant aux concessionnaires des travaux de Paris des condition de travail et de salaire. Il n’avait pas le droit de faire ce qu’il a fait, le conseil d’état l’a décidé. Le gouvernement, dès l’arrivée de M. Floquet au pouvoir, n’est pas moins entré en composition avec le conseil