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municipal en l’autorisant à appliquer ses idées, ses lubies socialistes. M. le préfet de la Seine prétend que c’est une expérience qu’on a voulu tenter ; mais a-t-on le droit de faire des expériences de ce genre aux dépens des finances de la ville, de la sécurité publique et des ouvriers eux-mêmes qu’on abuse ? La conséquence, dans tous les cas, la voilà !

Aujourd’hui, les ouvriers, qui ne sont pas assez subtils pour comprendre comment les conditions de travail adoptées dans les chantiers municipaux ne seraient pas applicables partout, réclament par la grève, sinon encore par la sédition. Ils ont un titre dans les délibérations du conseil municipal et dans les autorisations du gouvernement ; ils ont en plein Paris une Bourse du travail où ils vont pérorer sur la révolution sociale encore plus que sur leurs intérêts ; ils ont une organisation toute prête par les chambres syndicales qu’une loi leur a données et qui sont l’instrument le plus puissant aux mains des meneurs. Comment la politique radicale se tirera-t-elle de cette crise qu’elle a préparée ? Elle recueille ce qu’elle a semé. M. le préfet de la Seine parle d’expériences : la politique radicale ne vit que de cela en toutes choses, et le résultat de toutes ces expériences, c’est la désorganisation croissante de tout gouvernement, le désordre et le déficit dans les finances, la paix sociale troublée, la ruine du travail, le doute répandu partout dans le pays. La politique radicale peut triompher avec M. Floquet et avec ceux qui le suivent : la France plie sous le poids de ces tristes victoires, menaçantes pour sa fortune dans le monde !

Depuis longtemps, c’est bien certain, la vie de l’Europe ne se compose que de trêves successives laborieusement, péniblement prolongées à travers des complications toujours renaissantes, toujours menaçantes. La paix est plus que jamais dans les vues de tous les peuples, on n’en peut douter ; elle est aussi, à ce qu’il semble, dans les programmes de tous les gouvernemens, qui prodiguent jusqu’à l’affectation les témoignages de leurs bonnes intentions. Il y a malheureusement des situations où tous les vœux et les efforts même qu’on multiplie ne servent qu’à mieux montrer ce qu’il y a de précaire dans la paix, ce qu’il y a d’artificiel et d’incohérent dans les rapports qui en sont la condition et la garantie. Il est des momens où il suffit d’un incident, d’un voyage impérial pour réveiller toutes les questions qui agitent les esprits et divisent les peuples, pour rouvrir des perspectives indéfinies. On est porté à tout supposer parce qu’on sent que tout est possible, et à la réalité des faits, les nouvellistes, toujours en campagne, se hâtent d’ajouter leurs commentaires ou leurs romans. C’est arrivé plus d’une fois déjà, et on n’en a pas fini avec les incidens, avec l’imprévu, avec les coups de théâtre ou les énigmes dans ce temps de transition universelle, où tout est essayé, où rien ne se fixe et ne dure.

Qu’en sera-t-il réellement, définitivement, pour la paix du monde