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Pendant ce temps, l’effort de l’ennemi s’était porté dans le Dahra contre Saint-Arnaud. Bou-Maza était rentré chez les Ouled-Djounès, et s’y fit. battre encore une fois avec eux, sans que ce nouvel échec portât la moindre atteinte à la foi qu’il leur avait inspirée. Dans cette dernière rencontre, les combattans kabyles appartenaient à sept tribus différentes. Battu par Saint-Arnaud, le 1er juin, Bou-Maza se fit battre derechef, dix jours plus tard, non plus par le colonel, mais, ce qui était plus grave, par Sidi-el-Aribi, un Arabe ! L’affaire eut lieu chez les Beni-Zerouel ; elle fut vive, et la victoire du khalifa complète. Le chérif lui abandonna 2 drapeaux, 30 chevaux et 7 prisonniers seulement ; mais 400 des siens gisaient sur le champ de bataille. Pour comble de disgrâce, il faillit, quelques jours après, tomber entre les mains de l’agha des Sendja, demeuré fidèle comme Sidi-el-Aribi ; puis, ayant échappé presque seul à la poursuite, il disparut dans l’Ouarensenis, et, pour quelque temps, on n’entendit plus parler de lui.

Il ne restait plus qu’à réduire par le désarmement les tribus des deux bords du Chélif. Trois colonnes y étaient destinées, sous les ordres des colonels Pélissier, Saint-Arnaud et Ladmirault. Après avoir donné à chacun d’eux son rôle, le maréchal prit la mer à Ténès pour Alger, où il rentra le 12 juin. La colonne Pélissier se composait du 3e bataillon de chasseurs à pied, de deux bataillons du 6e léger, d’un bataillon du 36e de ligne, d’un escadron de chasseurs, d’une section d’obusiers de montagne et d’un détachement de sapeurs ; l’effectif était de 2,500 hommes. Sa mission était d’opérer dans l’ouest du Dahra, pendant que la colonne Saint-Arnaud agirait au nord et la colonne Ladmirault dans l’est.

L’année précédente, au mois de juin 1844, le général Cavaignac, alors colonel, s’était trouvé dans un cas extrême. Il opérait, sur la rive gauche du Chélif, contre les Sbéa, qui s’étaient retirés dans leurs grottes. A toutes ses sommations ils avaient refusé de se rendre ; un capitaine du 5e bataillon de chasseurs, M. de Jouvancourt, envoyé, sur sa demande, en parlementaire, avait été reçu à coups de fusil et tué. Alors, le colonel avait donné au commandant du génie Tripier l’ordre d’attaquer une des grottes par la mine, et il avait fait allumer un grand feu devant l’issue d’une autre. La nuit suivante, un sergent de zouaves avait eu l’épaule fracassée d’une balle ; vers minuit, 11 Kabyles étaient sortis de la grotte enfumée ; 5 avaient été tués, les 6 autres avaient pu s’enfuir. Le lendemain, les assiégés, dont quelques-uns étaient déjà morts d’asphyxie, avaient enfin consenti à sortir.

Un an plus tard, au mois de juin 1845, le colonel Pélissier se trouva dans une situation exactement pareille. Les Ouled-Ria, contre