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Le fait est qu’il désire gagner du temps pour négocier, en faveur de la coalition, des concessions nouvelles, et que, redoutant toujours la versatilité des passions nationales, il désire partager, avec une des corporations les plus respectées du royaume, le fardeau de sa responsabilité. « Une université aussi célèbre que celle d’Oxford ayant été consultée, — écrit Louis XIV à Bonnac, le 26 septembre, — les bien intentionnés pour la paix seront moins exposés aux reproches que leurs ennemis pourraient leur faire à l’avenir, et le sentiment de cette université est une espèce de garantie de leur conduite. »

Depuis quelques semaines, la diplomatie, inactive et expectante à Utrecht, s’agite fiévreusement à Londres. En forçant le camp retranché de Denain, Villars a vaincu les dernières hésitations, les derniers scrupules de l’Angleterre. Entre Ménager et Saint-John, Gautier et Prior, les conférences se multiplient sans interruption, quelquefois orageuses, quoique toujours amicales. Il s’agit d’arrêter les termes d’une convention secrète qui complétera l’armistice déjà conclu, en prolongeant la durée de la suspension d’armes pendant quatre mois au moins et en stipulant qu’elle ne s’appliquera pas seulement aux Pays-Bas, mais comprendra généralement toutes les opérations engagées tant sur mer que sur terre, entre la Grande-Bretagne et la France. La signature de cette convention, qui équivaudrait, en réalité, à celle d’une paix séparée entre la reine Anne et Louis XIV, portera certainement un coup mortel à la grande alliance. Outre que le faisceau en sera rompu, les armées que soudoie, en grande partie, l’or britannique, deviendront impuissantes à servir ses vastes desseins. La France et l’Espagne doivent payer cher de tels avantages. L’Angleterre veut bien leur être utile tout en servant sa propre cause ; elle ne veut pas qu’on puisse l’accuser trop haut d’égoïsme et d’ingratitude. C’est pourquoi de nouvelles prétentions se sont produites. Le roi de France n’a pas d’ennemi qui lui soit plus odieux que le duc de Savoie ; la reine Anne n’a pas d’ami qui lui soit plus cher. Elle demande d’abord qu’on lui constitue une barrière formidable, tandis qu’il avait été convenu qu’il se contenterait d’Exilles, de Fénestrelle et de la vallée de Pragelas. Elle veut ensuite que Philippe V lui cède la Sicile, promise, par Louis XIV, à l’électeur de Bavière, son fidèle allié, pour remplacer ses états perdus, et que celui-ci se déclare satisfait de recevoir la Sardaigne, une lie rocheuse presque inculte, presque déserte, à la place d’un royaume ! Elle exige encore que la « substitution du duc de Savoie au trône d’Espagne, à défaut de Philippe V et de ses descendans, soit insérée dans les actes qui constatent les renonciations réciproques de Philippe et des princes français ; » que ces actes soient consacrés par l’approbation des pouvoirs publics ; enfin que les lettres patentes du mois de