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doit à l’instituteur un logement, et les parens lui doivent une rétribution ; si la commune établit chez elle lui collège ou reçoit chez elle un lycée, elle paie l’entretien annuel des bâtimens scolaires[1], et les élèves, externes ou internes, paient une pension. De cette façon, les grosses dépendes sont déjà couvertes, et l’État, entrepreneur-général du service, n’a plus à fournir qu’une quote-part très mince ; aussi bien cette quote-part, médiocre en principe, se trouve presque nulle en fait, car sa principale largesse consiste en 6,400 bourses qu’il fonde et prend à sa charge ; mais il n’en confère environ que 3,000[2], et il les confère presque toutes aux enfans de ses employés militaires ou civils, en sorte que la bourse du fils devient un supplément de solde ou de traitement pour le père ; ainsi, les 2 millions que l’État semble, de ce chef, allouer aux lycées, sont en fait des gratifications qu’il distribue à ses fonctionnaires et à ses officiers : il reprend d’une main ce qu’il donne de l’autre. Cela posé, il institue l’université, et ce n’est pas à ses dépens qu’il l’entretient, c’est aux dépens d’autrui, aux dépens des particuliers et des parens, aux dépens des communes, surtout aux dépens des écoles rivales, des pensionnats privés, des institutions libres, et cela grâce au monopole universitaire qui les assujettit à des taxes spéciales aussi ingénieuses que multipliées[3]. — Tout particulier obtenant diplôme pour ouvrir une pension doit payer à l’université de 200 à 300 francs ; de même, tout particulier obtenant permission pour faire un cours public sur les lettres ou les sciences. Tout particulier obtenant diplôme pour ouvrir une institution doit payer à l’université de 400 à 600 francs ; de même tout particulier obtenant permission pour faire un cours public sur

  1. Histoire du collège des Bons-Enfans de l’université de Reims, par l’abbé Cauly, p. 649. — Le lycée de Reims, décrété le 6 mai 1802, ne s’ouvrit que le 24 septembre 1803. La ville avait dû fournir un mobilier pour 150 élèves. Elle dépensa près de 200,000 francs pour mettre les bâtimens… en état… Cette somme fut fournie, d’une part, au moyen d’une souscription volontaire qui produisit 45,000 francs, et, d’autre part, par des centimes additionnels.
  2. Loi du 1er  mai 1802, articles 32, 33 et 34. — Guizot, Essai sur l’instruction publique, I, 59. « Bonaparte nourrissait et élevait dans les lycées, à ses frais et à son profit, environ 3,000 enfans… communément choisis parmi les fils de militaires ou dans les familles pauvres. » — Fabry, Mémoires pour servir à l’histoire de l’instruction publique, III, 802. «Enfans de militaires dont les femmes vivaient à Paris, fils d’hommes en place que le luxe empêchait d’élever leurs familles : telles étaient, les bourses de Paris.» — «En province, des employés des droits réunis, des contributions, des postes, et autres fonctionnaires nomades : tels étaient ceux qui, presque exclusivement, sollicitaient les bourses communales. » — Lunet, Histoire du collège de Rodez, 219, 224. Sur 150 bourses, 87, en moyenne, sont occupées.
  3. Recueil, etc., par A. de Beauchamp, I, 171, 187, 192. (Loi du 17 septembre 1808, article 27, et arrêté du 7 avril 1809.)