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petites industries, mais encore une grande partie des affaires commerciales et financières les plus importantes. A Singapour, on les voit partout dans les magasins, dans les bazars, dans les grandes maisons de commerce, sur les quais. A Bang-Kok, ils concentrent entre leurs mains tout le commerce du riz, l’industrie du décorticage des beaux paddys siamois et la majeure partie des scieries de bois de teck. En Cochinchine, c’est entre leurs mains que passent les 500.000 tonnes de riz ou de paddys que la colonie exporte chaque année. — Partout le voyageur retrouve le marchand et l’industriel chinois prêts à lui vendre on à fabriquer pour lui quelque chose. A Shang-Haï, les Chinois sont les maîtres du commerce des thés ; dans tous les ports de la mer de Chine, les banques chinoises figurent parmi les plus importantes. Dans les grandes villes de l’Extrême-Orient, la concurrence existe non-seulement entre les commerçans chinois et les commerçans européens, mais encore entre les produits de la Chine et ceux de l’Europe, et la victoire appartient souvent aux premiers. »

La main-d’œuvre en Chine est à un prix dérisoire. Le manœuvre employé par un Chinois qui le défraie de tout, se contente d’un salaire mensuel de 1/3 à 2/3 de taël (soit de 2 fr. 50 à 3 fr. 75). L’Européen paie le même manœuvre. — qui doit subvenir à son entretien, — 3 ou 4 taëls par mois (de 18 fr. 75 à 25 francs). Dans les métiers exigeant un apprentissage et des connaissances techniques, l’abondance d’artisans, consommés est telle que, grâce à la concurrence, les salaires restent toujours très bas.

Les travaux les plus délicats de la construction ou de la mécanique, dit encore M. de Lanessan, n’échappent pas plus que les autres à l’intelligence et à l’activité des ouvriers chinois. On les retrouve dans les grands ateliers de maçonnerie, de menuiserie, de charpente, de serrurerie aussi bien que dans les arsenaux. Ils y manient les outils les plus délicats et les plus modernes. — Le jour où parmi ces ouvriers dressés par nous, il s’en trouvera quelques-uns, une élite, qui, rentrant en Chine, y implanteront toutes ces industries, utilisant le merveilleux pouvoir d’adaptation de la race, le bon marché de la main-d’œuvre, la réserve inépuisable d’hommes, les matières premières de toute sorte que renferme en quantités intimes cet immense empire, ce jour-là ils seront en mesure de porter jusqu’en Europe la concurrence terrible qu’ils nous font déjà sur les marchés de l’Extrême-Orient. Et ce jour-là n’est peut-être pas éloigne de nous. Les habiles commerçans chinois, déjà en possession de capitaux énormes, d’une flotte commerciale considérable, sauront créer des débouchés à l’industrie chinoise. S’il y a peu de chances, selon nous, « de voir un jour une population jaune pulluler dans nos rues, » il est permis de prévoir