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d’en assurer l’exécution pleine et entière. Il n’est permis ni aux citoyens de déterminer ce à quoi ils doivent obéir, ni au gouvernement de choisir ce qu’il doit faire respecter. Une société où la loi est la règle de conduite, où prévalent les tribunaux et non les foules, est le seul champ d’action propre au développement des affaires et du travail honnêtes. »

Dans son rôle d’assemblée législative, le sénat s’est rarement écarté de la ligne conservatrice. Comme conseil exécutif, sa participation légale à la nomination des fonctionnaires l’expose à des tentations trop fortes, auxquelles il n’a pas su résister. Du reste, les abus et les corruptions du patronage font tellement corps avec le système gouvernemental que tous les organes politiques s’en trouvent pénétrés jusqu’aux moelles. Pour s’excuser, les politiciens d’Amérique posent en axiome général que c’est la plaie incurable de la démocratie républicaine. Mais le sénat est resté à la hauteur de sa mission diplomatique concernant la ratification des traités. Sur ce point, il a très peu donné prise au reproche de se laisser entraîner par l’esprit de parti, quoique récemment encore on l’en ait accusé à tort ou à raison, lorsqu’il rejeta l’arrangement négocié par M. Cleveland avec l’Angleterre pour régler la question des pêcheries du Canada. Le comité permanent des affaires extérieures est soigneusement formé de l’élite sénatoriale, et sa composition varie peu. M. Charles Sumner le présida habilement pendant de longues années. Les débats ont lieu portes closes, à l’abri des indiscrétions, des maladresses parlementaires, des incidens de séance et des coups de théâtre, qui ont décidé parfois du sort des peuples dans une heure de colère ou de surprise, et déchaîné contre eux la guerre avec ses conséquences les plus funestes.

Tout a été dit sur les imperfections et les fautes de la chambre des représentais au congrès. Sans essayer une réhabilitation difficile, n’est-ce pas justice de relever à son actif certains traits de sagesse et de bon sens ? Si elle doubla d’un seul coup la somme de. l’indemnité parlementaire, sous la présidence du général Grant, elle n’a augmenté le chiffre de ses membres que progressivement et en proportions restreintes. C’est une des moins nombreuses qui existent. Par une anomalie singulière, la chambre, qui est la représentation directe d’une société aussi peu hiérarchique que possible, se soumet scrupuleusement au principe de la hiérarchie. L’initiative individuelle est réduite au minimum, et la réglementation va jusqu’à l’excès. Les présidens des comités permanens exercent, chacun dans son domaine, une autorité reconnue. Eux-mêmes sont désignés par le président de l’assemblée (speaker) qui possède des pouvoirs presque discrétionnaires. Quoique celui-ci