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pratique médicale en 1860 par O. Liebreich. Ses propriétés sont tellement analogues à celles du chloroforme, que plusieurs physiologistes ont pensé qu’il n’agissait que par les petites quantités de ce corps qu’il produit en se transformant dans l’organisme. Il est, comme lui, hypnotique et insensibilisant. Le sommeil qu’il procure est exempt d’agitation et de rêves. Il n’a pas les inconvéniens de l’opium, et son énergie le rend utile dans le tétanos, où il a procuré quelques guérisons, et dans la rage, dont il parvient à diminuer les formidables crises.

Les bromures sont les antidotes de l’éréthisme nerveux et de l’excitation cérébrale. Ils fournissent à la thérapeutique de précieux agens dans le traitement des névroses. Ce sont les seuls remèdes qui aient prise sur la plus redoutable d’entre elles, l’épilepsie[1]. Enfin, deux nouvelles substances sont venues récemment se joindre à cette liste. C’est d’abord l’antipyrine, dont la vogue est devenue telle que les fabriques suffisent à peine à la consommation qui s’en fait aujourd’hui ; c’est ensuite la cocaïne, qui fait moins de bruit et rend plus de services, parce qu’elle jouit de la propriété précieuse de produire l’anesthésie locale, sous la forme la plus simple.

Il suffit de passer un pinceau trempé dans une solution de chlorhydrate de cocaïne au quinzième sur la surface la plus impressionnable, pour y déterminer une insensibilité complète. L’instillation d’une ou deux gouttes de ce liquide entre les paupières permet de faire subir à l’œil les explorations les plus pénibles, les opérations les plus délicates, sans provoquer ni douleur ni clignement. Lorsqu’on veut explorer ou cautériser la gorge des enfans, il suffit de la badigeonner au préalable avec la solution de chlorhydrate de cocaïne pour la rendre insensible à tout contact. Enfin, lorsqu’on en injecte quelques gouttes dans le tissu gingival d’une dent malade, on peut ensuite l’extraire sans que le patient éprouve autre chose qu’un sentiment de surprise et d’ébranlement. On insensibilise de la même manière les cavités intérieures sur lesquelles il faut agir et dont la susceptibilité est aussi grande.

La cocaïne a remplacé avec avantage tous les procédés à l’aide desquels on cherchait, depuis la découverte des anesthésiques, à insensibiliser momentanément une partie, sans être obligé d’agir sur l’économie tout entière. Elle est plus sûre et plus commode dans son emploi que les mélanges réfrigérans, que les pulvérisations d’éther, de sulfure de carbone et même de bromure d’éthyle.

  1. Le bromure de potassium et le chloral forment la base d’un remède composé qui nous vient d’Amérique et qui se nomme bromidia. Les extraits de chanvre indien et de jusquiame entrent également dans la composition de ce calmant très actif et d’une administration facile.