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inévitablement au temps de la lutte et dont le souvenir a fini par les confondre dans l’unité vendéenne. La Basse-Vendée se personnifie dans un nom illustre, mais à ce nom lui-même ne se rattache aucun fait illustre. Charette est le plus grand des généraux vendéens. Il a été admirable comme organisateur, comme tacticien, comme chef de partisans ; il a soutenu le dernier la fortune de l’insurrection ; il a tout préparé, jusqu’à l’heure suprême, pour le débarquement et l’entrée en scène du prince toujours attendu, qui devait s’arrêter à l’Ile-d’Yeu, y séjourner inutilement quelques semaines et se rembarquer pour l’Angleterre. Nul de ses rivaux ne peut lui être comparé, ni l’habile Stofflet, ni l’héroïque La Rochejaquelein ; mais ses rivaux seuls se partagent la gloire des victoires et des défaites qui remplissent, dans la mémoire des hommes, l’épopée vendéenne. Tous les noms consacrés par ces victoires ou par ces défaites : Thouars, Fontenay, Saumur, Nantes, Châtillon, Vihiers, Luçon, Torfou, Cholet, Le Mans, Savenay, ou bien appartiennent à la Haute-Vendée ou bien rappellent les efforts des chefs de la Haute-Vendée, pour conquérir à leur cause le reste de la France. Les souvenirs de la Haute-Vendée ont ainsi effacé peu à peu ceux de la Basse-Vendée, et n’ont plus laissé à celle-ci que la communauté de ce nom de Vendée. Elle s’est doutant plus aisément dépouillée de son existence propre que déjà, dans la dernière partie de la carrière de Charette, elle s’était peu à peu détachée de son chef. Elle a repris sa place dans l’unité ancienne du Poitou, dans l’unité nouvelle de la Vendée, et, par l’une et par l’autre, elle a cessé de se distinguer de la Haute-Vendée.

Ainsi s’est formée l’unité de la province ; mais elle ne s’est maintenue que par la persistance des sentimens communs qui, sur tout son théâtre, ont animé l’insurrection vendéenne. Nous avons jusqu’ici fait abstraction de ces sentimens. Nous nous bornerions à les rappeler d’un mot, s’il n’y avait à les dégager de plus d’une erreur universellement accréditée. « C’est qu’en vérité, dit M. Célestin Port dans la préface, il y a mainmise de plein droit sur ce coin de terre, où j’ai voulu pénétrer en curieux. On risque d’y venir troubler, à en croire des révélations antiques, une Arcadie idéale, où l’accord d’un peuple candide et d’une noblesse innocente assurait à toutes les vertus le refuge d’une félicité tranquille. Ici, point de pauvres sans secours ; point d’enfans à l’abandon ; point de malades en détresse ! Toute une campagne en fête, avec d’opulens châtelains, protecteurs nés des mœurs et de la famille, et de braves gens reconnaissans de tant de bien-être à leurs seigneurs, à leurs curés… De cette contrée bénie qu’a-t-il pu sortir, sinon des légions de saints et de saintes, et si le monde s’en approche, la sainte guerre ? »

M. Port réfute cette légende pour le pays des Mauges. Elle n’est