Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 92.djvu/906

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas plus vraie pour la Vendée poitevine et pour la Vendée bretonne que pour la Vendée angevine. Les abus de l’ancien régime se faisaient sentir dans toute la contrée comme dans le reste de la France. La révolution y fut accueillie avec la même confiance et les mêmes illusions. Les cahiers de la future Vendée réclament les mêmes réformes que tous les autres cahiers. Ses députés à la-Constituante, à la Législative, à la Convention elle-même se prononcèrent pour la cause révolutionnaire et lui restèrent fidèles sous la forme républicaine comme sous la forme monarchique. A la veille de la révolution, une enquête avait été faite en Poitou sur les vœux des populations rurales. Les résultats en ont été publiés récemment, pour quelques communes des départemens de la Vendée et des Deux-Sèvres, par M. Eugène Louis, sous ce titre : le Bas-Poitou en 1788. Ce sont, pour la plupart, des réponses de petits cultivateurs, dont l’horizon ne s’étend pas bien loin, qui sont très modestes dans leurs revendications, mais qui ne montrent aucune satisfaction de leur sort, aucune répugnance pour une transformation sociale. De tous les bienfaits, vrais ou prétendus de la révolution, un surtout fut bien compris par les futurs soldats de l’armée catholique et royale, comme par toute la masse de la nation française : c’est la vente des biens nationaux. Ce bienfait gagna les uns à tout jamais, et il est resté cher à tous. Les paysans ne furent pas seuls à se jeter sur la curée. Les bourgeois, les gentilshommes, les dévots de toute classe y prirent part avec eux sans scrupule. Parmi les premiers acquéreurs, les Archives de Maine-et-Loire ont signalé à M. Célestin Port deux des futurs généraux Vendéens, deux des plus purs parmi les saints de la Vendée : d’Elbée et Bonchamp. Or il s’agissait de biens d’église, des dépouilles de congrégations religieuses.

La première déception vint des impôts. On n’en comprenait peut-être pas très bien la mauvaise répartition[1] ; mais on s’en sentait écrasé. Un surtout était absolument impopulaire : c’était la gabelle. Dès qu’on sut qu’elle devait être supprimée, on n’en attendit pas l’abolition légale. « Par tout l’Anjou, dit M. Célestin Port, le peuple se chargeait d’incendier les barrières et de supprimer les octrois ; les employés des gabelles étaient désarmés ou en fuite. » Nouvelles émeutes, quand on comprend qu’il s’agit de transformer, non de faire entièrement disparaître, « l’impôt

  1. Dans l’enquête de 1788 en Poitou, les paroisses étaient consultées sur les vices qui s’étaient glissés dans la répartition des impôts et sur les moyens d’y remédier. Dans plusieurs, on ne sut pas ce que cela voulait dire, et on répondit naïvement qu’on n’en connaissait pas. Dans d’autres, on ne se plaignit que d’abus locaux. Dans quelques-unes, on répond par tout un programme de réformes, mais c’est manifestement l’œuvre de bourgeois lettrés.