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passait sous les fourches caudines, et pour obtenir l’aman, elle sacrifiait : la Hesse, le Holstein et l’union restreinte. Elle reniait tout ce qui s’était fait sous son inspiration en Allemagne depuis 1848 : le parlement de Francfort, la guerre contre le Danemark, la constitution de l’empire, l’œuvre d’Erfurt. Le seul et triste avantage qu’elle se réservait dans le traité que le prince de Schwarzenberg appelait orgueilleusement des ponctuations[1], c’était de coopérer, avec le cabinet de Vienne et ses alliés, à étouffer les causes que la Prusse avait embrassées, le droit de frapper ses amis en commun avec ses adversaires. Elle s’engageait à rétablir sur son trône l’électeur de Hesse, le plus impopulaire des souverains, que ses partisans avaient renversé ; à étouffer l’agitation révolutionnaire qu’elle avait entretenue dans le Holstein ; elle se prêtait au rétablissement de la vieille diète de Francfort emportée par l’élan national de 1848, concédait à l’Autriche des avantages économiques importans et se soumettait à l’entrée de toutes ses populations non allemandes dans la confédération germanique.

Après avoir ainsi fait amende honorable en face de l’Europe, et refait ce qu’il avait défait, le gouvernement du roi envoyait à Francfort M. de Rochow, un diplomate réactionnaire, et comme gage de sa repentance il lui adjoignait M. de Bismarck, qui, dans les chambres prussiennes, avait vengé les injures faites à l’Autriche par le parti libéral et reconnu sa prépotence sur la Prusse.

M. de Manteuffel s’était sacrifié pour sauver son roi et son pays, il n’en fut pas moins honni et conspué. Victime de fautes qu’il n’avait pas commises, son nom est encore aujourd’hui aux yeux des libéraux prussiens le synonyme de pusillanimité. Le baron de Manteuffel se défendit en termes éloquens, avec le sentiment d’un grand devoir accompli. Il démontra que, s’il avait abandonné ses alliés, déchiré la constitution d’Erfurt, et abdiqué, au nom de son souverain, l’idée unitaire si hautement proclamée, il avait su ménager à la Prusse une situation à part dans la confédération germanique, en la faisant entrer en partage de la suprématie autrichienne. « Si le présent est sacrifié, disait-il, l’avenir est réservé. »

  1. Les préliminaires furent signés à Olmütz le 29 novembre 1850. La Prusse, en vertu des ponctuations, se déclarait prête à régler les affaires de Hesse et de Holstein de concert avec tous les gouvernement allemands, à nommer une commission pour s’entendre à Francfort sur les mesures à prendre en commun ; — elle s’engageait à n’opposer aucun obstacle à l’action des troupes appelées par l’électeur; — elle obtenait toutefois l’autorisation de maintenir un bataillon à Cassel, avec l’assentiment formel de l’électeur; — elle envoyait, de concert avec l’Autriche, un commissaire dans le Holstein pour exiger de la lieutenance, au nom de la confédération germanique, la suspension des hostilités, la retraite des troupes derrière l’Eider, en les menaçant d’une exécution en cas de refus ;— des conférences ministérielles devaient s’ouvrir immédiatement à Dresde.