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Ce n’était pas le langage d’un vaincu. Blessé de ces explications, le prince de Schwarzenberg interpréta à son tour les ponctuations, en répliquant au mémoire justificatif du plénipotentiaire du roi. par une outrageante circulaire livrée à la publicité. « L’Autriche, disait-il, a voulu prouver qu’il lui répugnait de se servir de ses immenses avantages pour humilier la Prusse ; mais elle n’a fait aucun sacrifice à sa politique fédérale, ni à celle de ses alliés. « Il constatait que le cabinet de Berlin avait absolument et irrévocablement déchiré la constitution de l’union restreinte, et il racontait à l’Europe l’incident humiliant des dépêches télégraphiques affolées de M. de Manteuffel et sa course éperdue à Olmütz. Accusé de faiblesse par ses alliés, il justifiait sa mansuétude en disant avec un superbe dédain : «L’empereur, mon auguste maître, n’a pas cru pouvoir repousser les demandes du roi de Prusse, si modestement formulées. »

Le prince de Schwarzenberg manquait aux devoirs de la générosité. On frappe ses ennemis, on leur impose la rançon de la défaite, mais on ménage leur honneur. Les exigences implacables provoquent les revanches, et plus les traités sont humilians, plus les nations cèdent à l’irrésistible impulsion de les déchirer.

Un pays, à moins d’abdiquer, ne renonce pas à ses tendances historiques ; celles de la Prusse étaient de dominer l’Allemagne, et, comme cette idée était dans toutes les têtes et que chacun tendait à un but commun, elle devait, en dépit des garanties les plus formelles, passer du rêve à la réalité. Aussi le baron de Manteuffel avait-il raison de ne pas céder au découragement et de ne pas fermer la porte aux espérances nationales, en affirmant que. si la convention d’Olmütz brisait le présent, elle assurait l’avenir.

Si l’indignation fut grande au nord de l’Allemagne, elle ne fut pas moindre en Saxe, en Bavière, en Hanovre, en Wurtemberg et dans le grand-duché de Bade, lorsqu’on connut l’arrangement d’Olmütz. Les cours allemandes voyaient, avec rage, la vengeance leur échapper, elles comptaient en écrasant la Prusse se mettre à l’abri de ses convoitises, et, sauf l’honneur, elle sortait indemne de l’aventure où sa fortune aurait dû sombrer; si elle était « avilie, » elle n’était pas « démolie, » et l’épisode de Frédéric le Grand n’était pas effacé de l’histoire allemande. Le comte de Beust en eut une jaunisse, ses mémoires traduisent la douloureuse impression qu’il ressentit en apprenant le contre-ordre que le prince de Schwarzenberg donna si malencontreusement aux armées coalisées, au sortir de ses conférences avec M. de Manteuffel. « Ne pas jouer une partie gagnée d’avance, s’écrie-t-il, laisser échapper étourdiment l’occasion de brider, une fois pour toutes, l’ambition prussienne me parut impossible! » Ses regrets ne devinrent que