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mais l’alliance sera d’autant plus étroite, que l’on reconnaîtra que l’Allemagne est justifiée à ne pas supporter la domination de la cour de Vienne. » A cet historiographe officiel de l’état prussien, le chevalier d’Arneth, bien connu pour sa libéralité, a refusé pourtant communication des archives d’Autriche, ce que M. de Treitschke explique à son avantage, en disant que rien ne blesse comme la vérité. Mais on n’a pas seulement blâmé en lui le ton et la tendance : l’exactitude des faits matériels a été contestée. Sur la Burschenschaft, sur le rôle de la Prusse au congrès de Carlsbad, sur la question des promesses constitutionnelles faites par Frédéric-Guillaume III, et qui se bornèrent à la convocation des états provinciaux en 1823, m. Baumgarten, M. Stern, M. Bulle, ont rectifié les faits cavalièrement traités par M. de Treitschke. Son œuvre est plutôt celle d’un apologiste convaincu, que d’un narrateur impartial, d’un historien scrupuleux des sources et des preuves. Le succès final de la Prusse à unifier l’Allemagne ne suffit-il pas à confondre ses détracteurs, à démontrer que, sauf quelques erreurs de détail, elle ne s’est pas en somme trompée sur sa mission ?


V

M. de Treitschke ne s’est attaché à débrouiller le récent et confus passé de l’Allemagne que pour mieux préparer l’avenir. Le même esprit qui a créé les États doit présider à leur développement, afin de préparer leur grandeur. C’est en fortifiant les institutions prussiennes, et en persévérant dans la politique qui a fait l’unité de l’Allemagne, que cette unité si récente, et qui a surpris ses auteurs mêmes, se consolidera au dedans et au dehors, et que l’Allemagne pourra se consacrer à ses tâches immenses et accomplir ses destinées. La politique de M. de Treitschke et ses vues d’avenir, exposées dans ses articles de polémique réunis sous ce titre : Dix années de combats allemands, et, dans son essai sur la Monarchie prussienne, forment la conclusion logique de son œuvre et de cette étude.

Examinons d’abord quelle est, d’après l’auteur, la situation de l’Allemagne au centre de cette Europe vouée à la concurrence vitale des nationalités. Elle doit se protéger contre la France, avec laquelle nul accord sincère et durable n’est possible, et contre le mécontentement croissant des Moscovites : l’alliance dynastique de la Prusse et de la Russie a été des plus longues, cette alliance pourra sans doute se renouveler et se maintenir, mais il y a dans le sang des deux races une invincible, une inextinguible haine. A l’égard de l’Autriche, de sa culture inférieure, de son