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seulement le portrait d’une grande dame, c’est, paraît-il, dans l’œuvre du peintre, l’arrangement en noir no 7, comme son autre tableau, le Balcon, est une harmonie couleur chair et couleur verte. Nous ne sommes pas assez au courant de la classification whistlérienne pour savoir si l’arrangement en noir no 7 est plus ou moins foncé que l’arrangement no 8 ou l’arrangement no 6. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il est fort noir et qu’on a toutes les peines du monde à distinguer de lady Archibald Campbell dans ces ténèbres autre chose qu’un profil qui se perd et un pied qui s’enfuit. La chose est menée avec science et sûreté par un homme fort au courant des ruses les plus subtiles du pinceau ; ce n’est point une raison pour voir une rénovation de l’art dans ce qui n’est qu’un raffinement de métier et ressemblerait fort, si l’on s’en tenait aux termes du livret, à une mystification régulière à l’adresse des Philistins.

Il n’est point probable d’ailleurs que ces excentricités maladives aient grande influence sur le génie anglais, qui ne redoute pas, il est vrai, l’étrange et le bizarre, qui saute, avec une brusquerie surprenante, de la sentimentalité pleurnicheuse à la brutalité tragique, mais qui aime par-dessus tout le naturel et la santé et qui revient toujours, en fin de compte, à l’observation consciencieuse. Les paysagistes, à cet égard, nous peuvent rassurer, et, en particulier les peintres de marines. Il en est trois au moins, MM. Moore, Hunter et Hook, qui sont des artistes de premier ordre, sans pédantisme et sans prétentions, aimant la mer d’une passion énergique et attentive, la connaissant si bien qu’il leur suffit pour nous émouvoir profondément de gonfler, dans leurs toiles modestes, les vagues irritées ou calmes de l’océan, sans avoir besoin de les peupler d’incidens dramatiques. Dans la plus belle toile de M. Moore, Après la pluie le beau temps, pas une voile à l’horizon, pas une roche au premier plan ; la mer seule, la pleine mer, d’un bleu intense, profonde, transparente, avec de grandes vagues qui s’apaisent et se régularisent ; au-dessus, à l’horizon, une longue percée dans le ciel, une percée lumineuse, fraîche, rassurante, dans un air rasséréné qui s’allège, avec des essaims de petites vapeurs, affolées, en déroute, qui remontent vite, regagnent le dernier débris de l’orage, un gros nuage que le vent balaie. Le scrupule, l’amour, la sincérité, la science que l’on sent dans la forme comme dans la couleur du moindre flot et du moindre nuage, sont vraiment admirables, et l’exécution est d’une liberté et d’un entrain superbes. Les marines de M. Hook et de M. Hunter ne sont pas si désertes ; dans la plus intéressante du premier, À quelque chose malheur est bon, on voit, au premier plan, un pêcheur et sa femme, tirant de toutes leurs forces une corde à harpon pour ramener sur la grève une