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Après 1866, Frédéric-Charles, l’élève de Wrangel, et son successeur à la tête de la cavalerie prussienne, reprit son œuvre. Il professait l’opinion qu’il manquait surtout à la cavalerie, pour être à la hauteur de sa mission, « une préparation suffisante pour l’emploi en grandes masses. »

Malgré son influence et son activité, cette arme n’était pas encore prête en 1870. Et si elle fit preuve d’initiative et d’intelligence dans les services d’exploration et de sûreté, elle fut absolument au-dessous de sa tâche sur les champs de bataille. Tous ses historiens le constatent, non sans amertume : « Les rameaux de laurier qui se penchaient vers la cavalerie prussienne, écrit l’un d’eux, ne purent être cueillis, non qu’on manquât de bonne volonté, mais parce que l’habileté nécessaire aux chefs et aux troupes faisait défaut[1]. » — « les attaques de la cavalerie allemande, écrit un autre, ne furent pas entreprises en grand et ne pouvaient l’être, parce que les conditions essentielles manquaient, tant au point de vue des chefs qu’au point de vue de la facilité de manier l’instrument[2]. »

L’œuvre de régénération fut vigoureusement reprise après la guerre. Les manœuvres de 1873, 1874 et 1875, exécutées par des divisions entières, eurent pour principal objectif le mécanisme de l’action d’ensemble. Elles aboutirent au règlement de 1876, contenant des règles fixes pour l’emploi des masses. Quelques mois après paraissait notre règlement qui, lui aussi, présentait une codification nouvelle des écoles de brigade et de division. Chez les deux cavaleries rivales, le même travail d’enfantement aboutissait, à la même époque, au même point. Quant au singulier reproche, adressé aux auteurs du règlement français, d’avoir imité les procédés allemands, il tombe de lui-même, si l’on considère que ces derniers sont le fruit de plus de quarante années de recherches et de travaux ininterrompus, sous une autorité toujours stable et respectée, et chez une nation où toutes les considérations politiques ou sociales sont subordonnées à l’idéal d’une organisation militaire puissante et souveraine.

La conclusion s’impose : il est temps de soustraire la cavalerie de corps à une organisation et à une éducation défectueuses. Et si l’on doit procéder par réformes successives, la plus urgente consistera à réunir annuellement ces brigades en divisions de manœuvres, pour les préparer à la première et essentielle partie de leur rôle à la guerre, à la tactique des masses ; sinon on peut légitimement redouter que, constituées aux débuts mêmes d’une

  1. Kœhler, Histoire de la cavalerie prussienne de 1806 à 1876.
  2. Becker, la Division de cavalerie dans la bataille.