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campagne, ces divisions nouvelles ne soient capables de rendre des services qu’au moment où il serait trop tard pour en profiter.


Ainsi, la première phase d’éducation de la cavalerie à la tactique de masses constitue une période d’entraînement, d’exercice, d’escrime du combat. Pour cette répétition à peu près mécanique, on devra rechercher des terrains doux, élastiques, pas trop accidentés, sur lesquels, sans fatigue pour les chevaux, sans danger pour les cavaliers, on pourra recommencer, autant qu’il sera nécessaire, l’exécution des mêmes mouvement Le camp de Châlons avec sa superficie de 13,000 hectares, ses ondulations lentes, son sol également bon par la pluie ou le soleil, est le module des « camps d’instruction. » Une telle expression, — évoquant l’idée de ces réunions surannées et stériles dont la dure expérience a condamné les erremens, — pourrait à juste titre paraître suspecte, si cette première préparation n’était elle-même le prélude d’une éducation plus substantielle, dans laquelle la cavalerie préalablement entraînée, devenue manœuvrière et alerte, pourra, dans des conditions analogues à celles de la campagne, s’exercer à son emploi à la guerre.

Alors le moment sera venu de placer ces masses en terrain varié, de les faire marcher, cantonner, vivre, s’éclairer, prendre le contact et combattre. Ce sera l’objet d’une deuxième période, exécutée en dehors du camp, et qui constituera le couronnement nécessaire des manœuvres spéciales. L’application succédera à la préparation. Mais autant la préparation exigeait de méthode, de ménagement et de sollicitude, autant l’exécution impliquera, avant toute autre considération, l’accomplissement habile et vigoureux de la mission reçue, la recherche exclusive de l’idée tactique.

En 1888, au camp de Châlons, le programme des manœuvres comprenait cinq journées d’opération en terrains variés. A la dernière heure, ce projet fut abandonné, l’état peu avancé des récoltes ne permettait pas de le mettre à exécution. Les considérations économiques prirent le dessus. On craignit qu’en face de cette irruption de masses de cavalerie, quelque reporter classique n’évoquât le souvenir des hordes d’Attila dévastant les champs catalauniques ! Cette année on a pu reprendre et appliquer cette deuxième partie des manœuvres ; les résultats obtenus permettent d’espérer qu’à l’avenir, développée et agrandie, elle succédera toujours à la première, tenant lieu à la fois d’épreuve et de sanction.

Pour bien marquer l’importance qu’ils attachaient à cette phase particulière des manœuvres spéciales, les Allemands ont pris soin d’en inscrire l’exécution dans leur Règlement sur le service de campagne : « Si plusieurs divisions doivent manœuvrer