Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 96.djvu/684

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à moi. » Puis s’en aller, là-dessus, le matin à son église, et dans l’après-midi à celle de Robert. Comment le prodige s’est-il opéré ? D’abord à son insu. Tandis qu’elle se croyait encore tout entière à l’ancienne fin, elle était déjà dans un état d’esprit a aussi différent de celui des premiers temps de son mariage que la philosophie chrétienne de nos jours peut l’être de la philosophie chrétienne du moyen âge. « Et, sur ces entrefaites, la religion nouvelle, pour qu’il ne lui manquât rien, a eu ses martyrs ; Catherine a entendu raconter la mort sublime d’un petit employé au gaz, disciple de son mari. Elle a été comme foudroyée par l’apparition de la vérité ; elle a pu s’écrier : « Je sais, je vois,.. je suis désabusée. Je crois à tout, à mon Dieu et au Dieu des autres, pourvu qu’il conduise au bien, notre seul but ici-bas. » — Même elle a accepté la direction des femmes et des jeunes filles que Robert pourra désormais recevoir, grâce à elle. Catherine va gagner des âmes à la cause maudite. Impossible, encore une fois, impossible ! .. Elle devient ici, par la volonté de l’auteur, un être amoindri, artificiel, qui cesse de nous intéresser, et de fait personne ne nous intéresse plus à la fin, pas même cette séduisante Rose qui, avec son violon magique, son individualité envahissante, ses aspirations sans frein et ses amours de tête, nous avait tant de fois sauvés du découragement et de l’ennui au milieu des interminables expériences d’Elgood Street. Si largement pourvue qu’elle soit de tous les petits défauts inséparables des grands dons de l’artiste, nous lui pardonnions sans peine parce qu’elle était délicieusement naturelle ; mais il fallait jusqu’au bout, faute d’autre boussole, lui laisser la fierté. Tout son roman avec Langham s’en fût ressenti ; elle ne serait pas prise et quittée une seconde fois par ce désenchanté sec et taciturne, elle ne se consolerait pas avec Flaxman, ce type froidement aimable du parfait gentleman, qui réussit à faire un cœur tout neuf des débris d’un cœur deux fois brisé. À quoi bon le violon, à quoi bon l’art, à quoi bon tant de combats pour arriver au développement que chacun de nous a le droit de rechercher et d’atteindre, s’il faut, après tout, aboutir au mariage, et à un mariage qui nous intéresse si peu, avec un être fabriqué de toutes pièces ni plus ni moins que Grandisson, avec un enthousiaste du grand monde, à la fois excentrique et sage, affilié au New Brotherhood pour l’achever ! — Et le tort suprême de Flaxman est d’être un personnage de plus dans ce livre encombré déjà de figures innombrables parmi lesquelles le lecteur ne se retrouve qu’avec un grand effort d’attention.

Mrs Ward a voulu entourer Elsmere de toutes les variétés du prêtre : Newcome, le clergyman de la haute église, le ritualiste