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paru qu’il sentait toute la beauté de ces idées et m’a marqué de l’empressement pour être informé des moyens que le roi prendrait pour les exécuter[1]. »

La satisfaction que ce compte-rendu flatteur causa à d’Argenson ne devait pas être de longue durée. Encouragé ainsi à s’expliquer plus nettement, il rédigea lui-même et fît remettre à Montgardin un projet de confédération, où, donnant carrière à son imagination, et traçant des lignes de démarcation à sa fantaisie sur la carte de la péninsule, il faisait à son gré une répartition idéale des territoires. Le roi de Sardaigne devait recevoir la plus grande partie du Milanais, mais céder en échange toute une lisière du territoire piémontais longeant la rive droite du Tanaro à l’infant Philippe, dont la part serait complétée par les duchés de Parme et de Plaisance. La république de Venise aurait Mantoue, et celle de Gênes tout le littoral de la Méditerranée, jusqu’à l’entrée de la Provence ; enfin la Toscane serait attribuée au prince Charles de Lorraine.

Bien entendu que ni le beau-frère de Marie-Thérèse, ni l’infant, ni sa mère, n’avaient été consultés sur le partage et qu’il n’y avait pas la moindre raison de supposer qu’aucune des parties prenantes fût, ni satisfaite de son lot, ni pressée de le recevoir. Le tout était pourtant terminé par une déclaration que devaient signer les futurs confédérés italiens, où il était exposé qu’il y a longtemps que « l’Italie gémit sous les prétentions des Allemands, qu’enfin les princes italiens sont résolus de se soustraire à l’autorité que l’Allemagne prétend exercer sur eux, en vertu de titres imaginaires ; qu’ils protestent de ne vouloir plus reconnaître que l’empire ait droit de seigneur suzerain sur aucune portion de l’Italie ; qu’ils sont décidés à l’avenir de jouir d’une indépendance absolue, telle qu’ils la tiennent de Dieu et de leur naissance ; qu’enfin la dénomination de l’empire romain ne peut avoir, selon eux, d’autre sens que de désigner la religion des empereurs d’Allemagne. Le roi de France déclarerait, de son côté, sa résolution de prêter main-forte à ces revendications, il faudrait tâcher d’amener le pape à adhérer à ce traité[2]. »

La réponse ne se fit pas attendre, et fut aussi sèche que précise. Tout l’échafaudage de d’Argenson était détruit dès les premières lignes comme si on eût soufflé dessus : a Le principe, disait un mémoire remis dès le 1er novembre par Montgardin à Champeaux, de mettre les Allemands hors de l’Italie et de ne plus leur laisser aucune autorité, serait si odieux à toute l’Allemagne, sans

  1. Champeaux à d’Argenson, 27 octobre 1745. (Correspondance de Turin. — Ministère des affaires étrangères.)
  2. Carutti, vol. I. Appendice A. Cette pièce est également citée dans l’écrit de M. Eugène Rendu, intitulé l’Italie et l’empire d’Allemagne, p. 148.