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retrouve les exigences de ces esprits nets et méthodiques. Ils s’efforcent de trouver un terrain solide, acceptable pour tous, et ils ne négligent rien pour l’établir. Comme les livres sacrés constituent le fond même sur lequel sont édifiées leurs croyances, il importe d’en fixer avec soin un texte définitif, qui fasse foi, ou du moins qui puisse être proposé aux masses avec des garanties suffisantes. Dans ces questions d’exégèse, ils sont aidés par les membres de la colonie israélite qui ont été libéralement accueillis en Hollande. C’est à Amsterdam surtout qu’ils ont reçu asile, et avant le milieu du xvir9 siècle, on n’y compte pas moins de 400 familles juives venues pour la plupart du Portugal. Elles vivent réunies dans un quartier à part, mais ce n’est point, comme à Rome ou à Francfort, un ghetto où elles sont cantonnées et dont elles ne peuvent s’écarter. En 1657, ces émigrés arriveront à une complète émancipation, civile et religieuse, et ils joueront un rôle important dans les destinées du peuple juif. De leur « nouvelle Jérusalem, » ils ne cessent pas d’entretenir des relations avec les communautés issues de la leur en Angleterre, en Danemark et à Hambourg. Quelques-uns d’entre eux se distinguent par leur instruction et leur caractère. Plusieurs se sont adonnés à l’étude de la médecine, comme cet Ephraïm Bonus dont Rembrandt et son ami Lievens ont tous deux fait le portrait, et c’est à eux qu’est duo l’introduction de quelques-uns des moyens thérapeutiques usités chez les Arabes. D’autres s’occupent de commerce et vont sur des vaisseaux hollandais établir des comptoirs à Surinam ou au Brésil. Enfin, parmi leurs rabbins, on compte des hébraïsans, qui fraient avec les ministres les plus éclairés de la Hollande et sont souvent consultés par eux. L’un d’eux, Joseph Athias, le savant imprimeur, reçoit l’approbation des professeurs de l’université de Leyde pour la publication d’une Bible en hébreu, et en 1677 les États-généraux le gratifient d’une chaîne d’or. Bientôt, du reste, dans cette patrie d’adoption où ils ont été heureux de s’établir, on les voit s’entre-déchirer et, à peine échappés à la persécution, tourner contre eux-mêmes cet esprit d’intolérance dont pendant des siècles ils ont été les victimes. Poussés par le vain désir de maintenir leur orthodoxie aux yeux de leurs nouveaux compatriotes, ils se disputent et se condamnent mutuellement.

Deux d’entre eux, et des plus illustres, devaient plus particulièrement être en butte aux violences qui régnaient alors dans les luttes religieuses. Le premier, Uriel Acosta, avait apporté de Portugal l’illusion qu’il rencontrerait à Amsterdam un judaïsme moins formaliste ; il allait, au contraire, retrouver une synagogue encore plus strictement attachée aux traditions du Talmud et disposée à combattre toutes les dissidences. Les anathèmes prononcés contre