Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 96.djvu/874

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

premiers, désireux d’associer la nation aux bénéfices de l’exploitation des mines, protestent contre la faculté laissée au chef de l’État de designer le concessionnaire et considèrent la gratuité et la perpétuité des concessions comme une atteinte aux droits de la généralité des citoyens ; il leur paraît que ce pouvoir discrétionnaire, ce dessaisissement définitif et gratuit, ont gardé des dehors d’ancien régime dont notre susceptibilité démocratique a lieu de s’émouvoir. Les autres, voyant avec une patriotique inquiétude le marché français envahi par les houilles étrangères, pensent que notre législation spéciale n’encourage pas suffisamment la recherche des nouveaux gites et qu’il faut pousser à l’exploitation plus active des anciens, en restreignant le périmètre des concessions, en frappant de déchéance celles qui restent inexploitées. Si bien que l’industrie minière, qui n’entend parler dans les deux camps que de mesures de rigueur, ne sait au juste, de cette hostilité systématique ou de cette exigeante sollicitude, laquelle lui portera les plus rudes coups.


I

L’école qui revendiquait, en 1848, les mines pour l’État et voulait lui en confier la régie, ne trouve plus aujourd’hui que de rares adeptes. Le socialisme pratique, forcé de compter avec les inconvéniens de l’exploitation administrative, a fini par admettre les concessions individuelles ; mais il les veut limitées à un temps déterminé et accordées, par voie d’adjudication publique, au plus offrant et dernier enchérisseur. Par la concession temporaire, la nation reprend possession de la mine après un certain nombre d’années, et, si le concessionnaire a réussi, elle profite de ses travaux ; par l’adjudication, elle s’assure immédiatement une recette sans avoir à s’inquiéter autrement du sort de l’entreprise. L’un et l’autre système a ses partisans ; on peut, d’ailleurs, plus ou moins ingénieusement les combiner. Au point de vue pratique, tous deux soulèvent de graves objections. Les concessions de mines aux enchères auraient cela de bon qu’on parlerait moins facilement, peut-être, de favoritisme et de fraude ; mais il n’y faudrait pas beaucoup compter pour remplir les caisses de l’État. Dans l’exploitation souterraine, les prévisions sont tellement conjecturales, qu’une mise à prix tant soit peu élevée écartera presque toujours les adjudicataires sérieux, surtout s’il s’agit d’une mine à créer. C’est tout au plus si l’on y pourrait songer pour les mines que la nation aurait d’abord concédées à temps, et qui lui feraient retour. Encore n’est-il pas bien sûr que, pour cette première concession temporaire, — fût-elle gratuite, — on trouvera des pionniers disposés à courir les