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les sujets les plus controversés, ainsi que sur les points les plus pratiques de l’hygiène, y étaient faites par les savans les plus renommés de l’Angleterre et sous les auspices de l’administration. Il y a bien eu, au Trocadéro, quelques conférences relatives à la santé publique. J’en ai fait une moi-même, le 8 juin, sur les intoxications volontaires ; mais cela n’avait aucun rapport avec l’exposition d’hygiène.

Un second reproche qu’on lui a fait, à juste titre, c’est qu’elle ne renferme que des objets sans mouvement et sans vie. A la caserne Lobau, tous les mécanismes fonctionnaient, ce qui permettait de les comparer entre eux. Cet inconvénient a paru assez sérieux au jury pour qu’il ait témoigné le désir de voir marcher les appareils, avant de se prononcer.

Quoi qu’il en soit, et malgré ces desiderata, l’exposition d’hygiène a réussi et remplit son but. Elle n’éblouit pas, comme les merveilles du Champ de Mars ; mais elle donne à réfléchir et satisfait l’esprit. Lorsqu’on l’examine avec attention, ce qui trappe, c’est moins l’élégance et les dispositions ingénieuses des ustensiles qu’elle emploie, que l’importance des travaux qu’elle suscite et des résultats qu’elle obtient. L’impression qu’on en rapporte est celle d’un effort considérable, fait pour l’assainissement des villes, sous l’influence des doctrines nouvelles. Dans l’ordre des résultats, ce qui saisit surtout, ce sont les documens sans nombre qui montrent partout la mortalité reculant devant l’hygiène. La statistique établit ce fait avec l’autorité irréfutable des grands nombres, et il n’est pas inutile de rappeler, au moment de la célébration du centenaire, qu’en 1789 la durée moyenne de la vie humaine était, en France, de vingt-huit ans et neuf mois, tandis qu’elle dépasse quarante ans aujourd’hui. Laissons donc les esprits forts railler à leur aise les doctrines contagionistes et les principes d’hygiène qui en découlent. Les unes et les autres ont maintenant pris racine dans l’opinion publique ; ils ont fait naître un culte qui, chaque jour, compte de nouveaux fidèles, celui de l’ordre et de la propreté.

Du reste, l’Exposition universelle tout entière donne aux personnes de bonne foi cette conviction réconfortante, qu’en fin de compte, comme je le disais dans ma précédente étude, la somme des maux que notre pauvre humanité est condamnée à supporter sur cette terre va toujours en diminuant.


JULES ROCHARD.