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d’autre but que de sonder les sentimens secrets de Newcastle et impliquait un soupçon à l’endroit de ses desseins. Mais Newcastle était si loin de partager ces appréhensions générales de l’aristocratie qu’il avait précisément les contraires, c’est-à-dire qu’il craignait que les prérogatives et dignités de la noblesse ne survécussent pas à la défaite du roi, et il répondit dans ce sens au messager dont nous venons de faire mention. Il identifiait donc la cause royale avec la cause de l’aristocratie et il était évidemment de bonne foi en pensant ainsi, car il avait été trop titré par deux souverains successifs pour ne pas être persuadé que la faveur royale était une source certaine de noblesse. A cet égard, les opinions de la duchesse étaient presque républicaines, comparées aux siennes, puisqu’elle n’accordait qu’au temps seul le privilège de créer la noblesse ; aussi, livrée à ses seules inclinations, était-elle peu disposée à l’éblouissement en face de la majesté royale. « Dans une conversation que j’eus avec monseigneur concernant les princes et leurs sujets, je lui dis que j’avais observé que les grands princes n’étaient pas comme le soleil qui envoie directement ses rayons de lumière et ses ondes de chaleur,.. mais que leur gloire et leur splendeur venaient plutôt des honneurs qu’ils recevaient de leurs sujets. » A quoi monseigneur répondit que « les sujets étaient si loin de donner de la splendeur aux princes, que tous les honneurs et titres dans lesquels consiste la principale splendeur d’un sujet sont principalement dérivés d’eux, car, dit-il, s’il n’y avait pas de princes, il n’y aurait personne pour conférer titres et honneurs. » On peut donc tenir pour certain que la loyauté monarchique de Newcastle fut entière, car toutes les paroles qui nous ont été conservées de lui indiquent qu’il considérait la royauté non pas comme une des pièces de la constitution de l’État, mais comme cette constitution même, comme l’institution d’où toutes les autres dérivaient et sans laquelle elles n’avaient plus ni moyens de défense ni raison même d’exister.

Que ce ne fût pas seulement par amitié et reconnaissance pour Charles Ier qu’il prit parti dans la guerre civile, mais aussi par attachement à ce qu’il croyait être la vraie constitution de l’Etat, nous en avons la preuve par les rapports qu’il entretint avec l’église établie pendant toute la durée de son commandement. La chose est d’autant plus à remarquer que, certainement, son protestantisme ne le gênait pas. Ce n’est pas qu’il fît affiche d’incrédulité ou de scepticisme, mais ses paroles et ses écrits montrent assez que sous le rapport des opinions religieuses, il était volontiers partisan de la foi du charbonnier ; cela le dispensait de discussions dangereuses et lui permettait de penser ce qu’il voulait. « Monseigneur, discutant un jour sur la foi avec un savant théologien, lui dit que,