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1,200 mètres d’altitude dans un enfoncement duquel la ville de Kusatsu est cachée.

Pour arriver là, nous avons parcouru une région toujours plus montagneuse, plus pauvre et de moins en moins habitée. Le sol ne possède plus suffisamment de ressources pour couvrir les frais d’existence des gens qui l’exploitent ; la culture n’est qu’un appoint. Les maisons, peu nombreuses, des deux ou trois relais que nous avons traversés, se serraient étroitement autour d’une hôtellerie assez vaste et assez confortable pour la médiocrité du lieu, et dont l’importance prouvait que le village tirait sa subsistance moins du pays en lui-même que du passage des voyageurs. Car si la campagne est déserte, les chemins sont assez peuplés. C’est que nous approchons de la célèbre Kusatsu, dont les eaux sont courues par un grand nombre de visiteurs qui se succèdent pendant tout l’été. Et c’est la pincée de sapèques jetée par chaque touriste en rétribution de l’hospitalité reçue, qui a, comme une semence, fait naître la plupart des chaumières que nous apercevons : humbles logis, construits par la pauvreté strictement contrainte à n’envisager dans l’édification de sa demeure que l’abri réduit à sa plus simple expression. Plusieurs se composent seulement de quatre murs de boue, déviés de la verticale, écrasés sous un toit de chaume, n’ont qu’une porte pour toute ouverture et, — suprême détresse dans ce pays, — montrent un sol privé de l’indispensable tatami, étalant à nu sa froide misère.

A une des stations dont il vient d’être parlé, sorte de caravansérail tout grand ouvert sur la route, très animé, d’un abord encombré par une multitude de voitures, de chevaux, de traîneurs et de palefreniers, nous avons fait une rencontre.

Une dame japonaise et sa fille, voyageant sous la sauvegarde d’un bonhomme qui faisait l’effet d’un serviteur attaché de longue date à la famille, vinrent prendre place près du tatami que nous occupions. La mère devait toucher à la cinquantaine, était déjà ridée comme on l’est à cet âge au Japon, et ressemblait à toutes les vieilles femmes de ce pays que la décrépitude rapproche. Au surplus, apparence distinguée, sobre costume de soie noire orné dans le dos du mon, c’est-à-dire des armoiries, ressortant en blanc sur l’étoffe. La fillette avait quatorze ans, ainsi qu’elle nous l’apprit au cours de la conversation qui s’établit entre nous. On lui eût facilement donné deux années de moins, car les Japonaises, par suite de l’exiguïté de leur structure et surtout à cause de leurs manières enfantines, ont une croissance qui nous semble moins rapide que celle de nos pays. Et cette évolution terminée, par une seconde dérogation qui n’est pas une compensation, elles restent moins