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Grande fête, la bête qui la symbolise : le bœuf et l’âne à Noël, l’agneau à Pâques, le pigeon à la Pentecôte. Elle avait, envoyé pour cette dernière un Saint-Esprit en forme de pigeon de parfilage à la duchesse de Gramont. Aussitôt la verve de tous les aèdes du château de se ranimer et les couplets de retentir ; la palme resta à de l’Isle.

AIR : C’est un enfant.

Pour rendre aussi quelques hommages
À l’oiseau par vous célébré,
Je dirai que dans tous les âges
Il fut aux autres préféré.
Si c’est un modèle
D’amour ou de zèle,
Que l’on produit, qui cite-t-on ?
C’est un pigeon, c’est un pigeon…

Quand Dieu le Père, en homme sage,
S’avise que, seul de son nom,
Du monde l’immense héritage
Ira dans quelque autre maison,
Par vieillesse extrême.
Ne pouvant lui-même,
Qui prend-il pour faire un garçon ?
C’est un pigeon, c’est un pigeon…

Veuve du duc de Clermont d’Amboise, Marie-Charlotte de Rohan-Chabot épousa en secondes noces le prince de Beauvau, un de ces hommes rares qui conservent le privilège d’être distingués dans les actions les plus simples comme dans les plus importantes : union idéale, union délicieuse, en dépit de l’axiome de La Rochefoucauld, qui inspirait à leur fille la princesse de Poix cette réponse lorsqu’on lui recommanda de ne pas lire de romans : « Défendez-moi donc de voir mon père et ma mère. » Comme Mme de Luxembourg, comme Mme de Gramont, la princesse de Beauvau gouverna longtemps un des derniers grands salons aristocratiques du XVIIIe siècle. Conseillère de Choiseul, de Necker, tandis qu’ils étaient au pouvoir, amie fidèle dans la disgrâce, elle avait[1]

  1. Ce sont tous ses sujets que ces gens-là, » dit Mme du Deffand, qui ne l’aime guère ; « Elle me paraît un personnage du poème de Milton. Cependant son époux ressemble plus à Adam qu’elle ne ressemble à Eve ; ce n’est pas à Eve non plus que je la compare, c’est son éloquence que je trouve qui est du genre de… de celles des héros de ce poème. » Et après qu’on eut enlevé au prince le gouvernement du Languedoc, la marquise observe : « … Elle est plus brillante que jamais. Elle me persuade que le courage des martyrs était moins une grâce de Dieu qu’une vertu de tempérament ; si elle était née de leur temps, elle aurait renversé tous les temples et leurs idoles… »