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successivement dessinés dans des attitudes diverses sur ces disques de carton qu’on fait rapidement tourner à la main pour obtenir l’illusion d’une image unique douée d’un mouvement propre.

Le plus souvent, le syncrétisme symbolique est conscient et prémédité, soit qu’il s’agisse de réunir, pour plus d’efficacité, dans un talisman unique, les attributs de plusieurs divinités, soit qu’on veuille affirmer, par la fusion des symboles, l’unité des dieux et l’identité des cultes. Tels étaient ces talismans, nommés panthées, où les gnostiques essayaient de condenser les symboles divins fournis par les principales religions du temps. On peut citer également, dans un ordre d’idées, plus élevé, le symbole adopté par les brahmaïstes de la Nouvelle-Dispensation, cette secte hindoue, dont j’ai déjà entretenu les lecteurs, qui a la prétention de fusionner tous les cultes actuels de l’Inde dans une religion nouvelle, exclusivement fondée sur la conscience et la raison[1]. Le fronton de leurs temples porte une figure où la syllabe mystique des brahmanes, aum, s’entrelace avec le croissant des musulmans, le trident des sivaïtes et la croix des chrétiens. Toutefois il arrive fréquemment que cette confusion de symboles n’a rien de systématique. A force de reproduire certaines formes, l’œil et la main paraissent se les être assimilées au point de n’en plus pouvoir secouer l’obsession, quand ils s’attaquent à des thèmes nouveaux. Il y a tel symbole, gravé sur des gemmes phéniciennes ou peint sur des vases cypriotes, qui rappelle tout ensemble le disque ailé de l’Asie, l’arbre sacré des Assyriens et certains exemplaires du foudre grec. On ne peut feuilleter la description des bas-reliefs bouddhiques de Boro-Boudour, dans l’île de Java, publiée par les soins du gouvernement hollandais, sans être frappé, presque à chaque page de l’atlas, par l’apparition de quelque figure bizarre qui offre à la fois certaines réminiscences du lotus hindou, des cornes assyriennes, du foudre, grec, du figuier bouddhique et du globe égyptien aux uræus. La symbolique orientale est, d’ailleurs, restée coutuniière de ces mélanges hétéroclites. Un des auteurs qui connaît le mieux les arts industriels de l’Inde contemporaine, sir George Birdwood, a montré récemment que dans l’art hindou, où tous les détails ont une portée symbolique, certains thèmes, décoratifs se combinent et s’échangent avec le sans-façon du rêve, sans égard pour la distinction du règne végétal et animal, du monde organique et inorganique.

  1. Voir, dans la Revue du 15 septembre 1880, le Cinquantième anniversaire du Brahma Somaj.