Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 99.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
III

Dans la plupart des exemples que j’ai cités, il est facile de découvrir par quelles voies le symbole s’est transmis d’un peuple à l’autre. Sous ce rapport la migration des symboles relève directement de ce qu’on peut nommer l’histoire des relations commerciales. Quelle que soit, entre deux figures symboliques, trouvées chez des peuples d’origine distincte, la ressemblance de forme et même de signification, il convient, avant d’en affirmer la parenté, d’établir la probabilité ou du moins la possibilité de relations internationales qui aient pu leur servir de véhicule. Ce point démontré, il restera à chercher qui a été l’emprunteur et qui le prêteur. Ainsi, pourquoi ne seraient-ce pas les Hindous qui auraient communiqué le foudre à la Mésopotamie, les Phéniciens qui auraient reçu des Grecs le caducée ? C’est ici surtout qu’apparaissent nos avantages sur les précédentes générations. Il fut un temps où l’on pouvait indistinctement placer dans l’Inde l’origine des dieux, des mythes et des symboles répandus sur toute la surface du vieux monde, un autre où l’on aurait été mal reçu de ne pas reporter à la Grèce l’honneur de toutes les créations intellectuelles et religieuses ayant quelque valeur morale ou artistique. Mais les recherches poursuivies depuis un demi-siècle ont constitué désormais sur des bases positives l’histoire ancienne de l’Orient, et celle-ci à son tour nous a permis de replacer à leur véritable plan, dans la perspective des âges, les principaux foyers de culture artistique qui ont réagi les uns sur les autres depuis les débuts de la civilisation.

On peut différer d’opinion sur le point de savoir si le chapiteau ionique a emprunté ses volutes aux cornes de l’ibex ou aux pétales entr’ouverts du lotus. On peut même discuter si l’Ionie l’a directement reçu de Golgos sur les vaisseaux des Phéniciens ou de Ptérium avec les caravanes de l’Asie-Mineure. Mais quiconque en a constaté la présence sur les monumens de Khorsabad et de Koyoundjik ne se refusera plus à placer en Mésopotamie le point de départ de sa marche vers la mer Egée. Ce n’est là qu’un exemple des types et des motifs dont le développement a dû sans doute son importance aux inspirations autonomes du génie grec, mais dont les origines doivent néanmoins se chercher en Phrygie, en Lycie, en Phénicie et même au-delà, dans les vallées du Tigre, de l’Euphrate et du Nil. Dans l’Inde également, les plus anciens