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aujourd’hui pour clérical, obligeait les clercs à faire en personne le service des fiefs, et nul ne s’en est choqué. Toutes les villes de France avaient, aux derniers siècles, une sorte de garde nationale dans laquelle les habitans, sans distinction de caste, étaient enrôlés ; les ecclésiastiques, comme les autres, étaient astreints à monter à leur tour la garde sur les remparts. Angers comptait parmi ses capitaines civiques l’abbé d’une des plus notables abbayes ; à Paris, le chanoine grand-chantre de Notre-Dame était colonel de la compagnie de la Cité. Les moines-canonniers de la Ligue n’étaient ni les premiers ni les derniers de leur race. Un capucin dirigeait au siège de Dôle, sous Louis XIII, l’artillerie des Francs-Comtois et, au même siège, les cordeliers « faisaient merveille, en assommant avec des marteaux pointus tous les ennemis qu’ils rencontraient sous leurs mains. » Nos soldats ont pu apprécier sous le premier empire, au siège de Saragosse, de fiers échantillons des « congréganistes » espagnols. Évêques ou cardinaux ne dédaignaient pas non plus le port du casque et de l’épée, et quand le pape prétendait interdire aux prélats le commandement des armées, le gouvernement français lui répondait « que les cardinaux devaient contribuer au bien public selon les talens que Dieu leur avait donnés, et qu’il était impossible qu’ils ne fussent pas engagés dans les charges militaires, aussi bien que dans les autres. » Autrefois, le prêtre était partout, faisait de tout ; aujourd’hui, il semble qu’il ne doive plus être que prêtre, et les catholiques eux-mêmes, trouvant bon, en général, que la vie laïque, sous toutes ses formes, soit interdite à leurs pasteurs, ne peuvent agréer que ceux auxquels ils refusent l’exercice des droits soient assujettis aux devoirs communs des citoyens.

La suppression de l’enseignement religieux dans l’école publique ne sera pas non plus sans donner matière à quelques mécomptes. Le parlement qui a voté la loi sur l’instruction primaire s’est laissé séduire par l’idée d’une impartialité surnaturelle, non-seulement entre les différentes religions, mais encore entre ceux qui ont une religion et ceux qui n’en ont pas. Il a bien obéi aussi, il n’en disconvient pas, au désir de porter un coup détourné au culte catholique. Or ce coup ne portera sans doute pas et cette impartialité ne pourra se soutenir ; on commence à s’en apercevoir. Ce n’est pas qu’il n’y ait sujet de discuter longtemps sur le rôle qui, avec le régime de l’instruction obligatoire, appartient au maître officiel payé par le budget et sur celui qui revient aux ministres des cultes. Il est des pays où les évêques repoussent ce que nos évêques demandent. À nos portes, le clergé belge proteste avec énergie, en ce moment, contre l’obligation imposée par l’État aux instituteurs publics de donner à leurs élèves l’instruction religieuse ; il juge ces