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ans et sans lesquels elle serait forcée de fermer ses hôpitaux, de supprimer les secours qu’elle distribue aux indigens et de renvoyer à la rue les enfans trouvés qu’elle y a ramassés. C’est ainsi que la question a été posée : dès lors il a fallu obéir, et l’on obéira, malgré que l’on en ait, jusqu’à ce que l’esprit du conventicule qui gouverne les finances de la ville de Paris soit modifié.

Sans interroger les pensionnaires, qui s’appellent volontiers les galignaniens, il est facile de constater les sentimens religieux dont la plupart sont animés, car la maison possède une chapelle. Le vicaire d’une paroisse voisine, faisant fonctions d’aumônier, vient, tous les matins, à six heures y dire la messe pour les filles de charité ; douze pensionnaires, dont deux hommes, y assistent régulièrement ; le dimanche, l’office est suivi avec recueillement par les deux tiers du personnel hospitalisé ; c’est une sorte de petite solennité pour laquelle on se met en frais de toilette. Les âmes sont-elles ferventes ? Je ne saurais le dire, mais il est certain que la prière leur est bienfaisante, qu’elle leur apporte l’espérance d’une vie future sans misère ni douleurs et qu’elle les attendrit en leur rappelant les années de l’enfance où tout était doux, pur et facile, où tout était blanc comme le voile de la première communion. Pour une communauté composée de cinq personnes et pour des pensionnaires si peu nombreux, pas n’était besoin d’avoir une chapelle vaste et monumentale, ce qui est un rêve auquel bien des congrégations ont sacrifié plus qu’il n’aurait fallu. La chapelle de la maison de retraite est précisément ce qu’elle doit être, étroite, proprette, bien éclairée ; l’estrade de l’autel ajuste assez de place pour que le prêtre puisse s’y mouvoir selon les rites ; les chaises en paille y sont pressées les unes contre les autres ; point de luxe, nul ornement inutile ; rien n’y distrait l’attention ; on ne vient là que pour prier, et l’on prie.

Je ne dirai rien de la lingerie, placée sous la direction d’une sœur qui excelle à ranger les serviettes, les draps et le reste en dessins symétriques figurant des losanges, des triangles et des chevrons ; usage un peu puéril où se complaisent les femmes consacrées à la vie religieuse et que j’ai constaté dans toutes les communautés, dans toutes les congrégations que j’ai visitées. Le linge est en forte toile, trop forte même lorsqu’elle est neuve, et dont les pensionnaires ne sont point contens, car elle est rèche aux vieilles épaules et pénible aux cous ridés. Il faut qu’elle ait subi plusieurs lessives avant de s’assouplir et d’acquérir un épiderme assez doux pour n’être point désagréable à l’épiderme humain. Là aussi, comme ailleurs, on préférerait le linge de coton, mais la résistance lui manque, il s’use trop rapidement et devient pour l’administration une surcharge de dépense