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prononciation pure et classique au-delà du Ve siècle. En s’arrêtant à cette date, qui est celle des plus grands écrivains, la méthode historique démontre que le grec se prononçait à très peu près comme il se prononce aujourd’hui. C’est tout ce que nous pouvons exiger.

IV.

Puisque le sujet qui nous occupe se trouve élucidé par le savant ouvrage de M. Papa-Dimitrakopoulos, puisque le problème de l’ancienne prononciation du grec s’y trouve résolu dans son ensemble et dans ses parties, nous émettons le vœu que ce livre soit traduit dans notre langue. Nous souhaitons en même temps qu’il soit abrégé et que la traduction, donnant tout ce qui est essentiel et démonstratif, soit, par ses dimensions et par son prix, accessible à tous ceux qui s’intéressent à la langue grecque et au peuple qui en conserve le trésor. Cela fait, nous demanderons encore instamment aux Grecs instruits de s’assembler, de discuter et de s’entendre sur la prononciation de toutes les lettres ; enfin, d’en rédiger le code. Le livre dont nous parlons pourra servir de base à leur travail. Chacun d’eux sait qu’il existe dans le monde grec une prononciation commune et comprise de tous ; mais ils savent aussi qu’il y a des différences provinciales, surtout pour une ou deux voyelles, telles que l’hypsilon, lequel en certains lieux et pour certains mots a le son de l’u français et quelquefois de l’ou. Il est utile que ces faits soient relevés, élucidés et portés à la connaissance de tous les gens instruits. L’étranger qui veut apprendre le grec et le prononcer correctement n’a que des livres faits par ses compatriotes ou par des personnes sans autorité. Il y a présentement en Grèce assez d’hommes érudits et bons patriotes pour entreprendre en commun une œuvre de ce genre ; ils n’auraient aucune peine à trouver sur place ou au dehors de riches patriotes qui fourniraient l’argent nécessaire aux séances et aux publications.

Un tel travail devrait être fait sans autre passion que celle de la vérité. L’érudit allemand M. Blass s’est passionné pour l’invention érasmienne au-delà de ce que la science calme et la vue sereine de la réalité comportent. Si l’on trouvait, par exemple, après examen, que l’ê des Latins était plus voisin que l’i de l’ancienne sonorité de l’êta, le heth des Hébreux, il faudrait le dire et déclarer que les gens de bonne éducation doivent prononcer cette lettre ê et non i. C’est une simple hypothèse que nous faisons ici pour indiquer dans quel esprit le travail que nous demandons devrait se faire. Jusque-là nous hésiterons à bannir de notre enseignement une prononciation que nous savons artificielle et fausse : il faut que nous soyons nous-mêmes fixés sur la valeur de toutes