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nombre, leurs condisciples et leurs élèves, ce ne sont pas vraiment des condisciples ni des élèves bien émancipés, si l’on peut y voir, sortant des mêmes ateliers, MM. François Flameng et Raphaël Collin, Morot et Paul Leroy, Doucet et Bompart, Pille et Vibert, etc. ! Ajoutez à cela une quantité, plus grande que jamais, d’artistes étrangers qui sont venus se mêler assez indifféremment, soit par habitude, soit par reconnaissance, soit par sympathie, sous l’une ou l’autre bannière, et vous reconnaîtrez bien qu’il s’agit moins là d’une lutte de principes que d’une rivalité de personnes, d’une scission entre les écoles que d’un désaccord entre des artistes. Pour le moment, si l’art en souffre, ce n’est pas quant à la quantité ; nous devons même à ces fâcheuses discordes, au lendemain de la forte poussée de 1889, une preuve nouvelle, mais absolument inutile, de la fécondité inconsidérée de nos peintres.


I

Soyons agréables aux bonnes âmes que touchent les billevesées courantes sur le modernisme en confessant que le palais des Champs-Elysées abrite un fort grand nombre d’artistes, travaillant dans le vieux jeu. Être vieux jeu, dans le vocabulaire, assez restreint, d’ailleurs, des esthéticiens de brasseries, c’est n’être pas grand’chose. Reste à savoir ce qu’est le vieux jeu et le nouveau jeu. Or, cela change constamment. Nous avons connu telle façon de couler la pâte, de traîner la brosse, de maçonner les clairs, de marteler les ombres, d’étendre les glacis, de pointiller, de hacher, de frotter, qui n’ont fait qu’une saison ou deux. Cela arrachait au jury, telle année, des cris d’enthousiasme ; l’année suivante, on n’en voulait plus : c’était vieux jeu. Aux yeux des naïfs et des paresseux, en ce moment, le vieux jeu paraît être, non seulement ces redites académiques ou ces banalités scolaires auxquelles le mot peut toujours s’appliquer raisonnablement, mais tout ce qui constituait autrefois les principes mêmes de l’art de peindre : le soin et l’équilibre de la composition, la précision et la solidité des formes, L’éclat et la force des colorations. Pourvu qu’une peinture présente, dans un cadre mal rempli, ou rempli au hasard, une harmonie générale et molle, presque toujours obtenue par un système facile d’abaissement dans la tonalité, d’atténuation dans les modelés, d’effacement dans les formes, c’est une peinture nouveau jeu. Affaire excellente pour les jeunes peintres, qui n’ont plus, comme autrefois, à trimer dans les écoles et les musées, devant le modèle et les vieux maîtres ; ils