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moins un rajeunissement qu’une adaptation sentimentale de la composition traditionnelle, si simplement et si admirablement présentée, bien des fois, par les pieux miniaturistes du moyen âge et les précurseurs de la renaissance. C’est dans ce goût doucereux et efféminé que nous voyons d’autres artistes de talent, MM. Bramtot, Marquet, Destrem, etc., tenter des renouvellemens de la légende chrétienne. Il y a sans doute quelque sentiment délicat dans leurs arrangemens, mais d’une délicatesse bien languissante, qu’exagèrent encore l’affadissement des colorations et la mollesse du procédé. C’est ainsi qu’on comprend aujourd’hui, paraît-il, l’Évangile et la Bible. Un morceau plus intéressant est la Sainte Marthe de M. Pinta. L’auteur ne s’y montre pas très personnel ; il est tout ému encore par les apparitions des jolies saintes, tendres et bien parées, découpant leurs silhouettes un peu maniérées sur le fond d’or des missels ou des triptyques du XVe siècle, qu’il a rencontrées en Italie et en Flandre ; mais sa figure est élégante, en ses atours bien ouvrés, et la jeune fille nue qu’elle soutient est exécutée avec la conscience que donnent le respect et l’étude des maîtres.

Nous voudrions avoir à signaler un plus grand nombre d’études, soit en nudités, soit en figures de caractère qui méritent quelque attention ; mais, vraiment, le nombre en est fort restreint. Quand nous aurons remarqué la virtuosité spirituelle, mais un peu égrillarde, de M. Doucet, dans sa Figure nue, virtuosité réelle et savante, qui pourrait mieux s’employer et qui ne dépasse pas, après tout, si même elle l’égale, celle de M. Chaplin, le créateur du genre, dans son Age d’or ; quand nous aurons regardé, avec l’estime que méritent des études brillantes, délicates et consciencieuses, la Victrix de M. Benjamin-Constant, la Flore et Zéphyre de M. Parrot, les compositions ou académies de MM. Maignan, Lalyre, Pierre Bellet, Bordes, Cave, Benner, Courtat, Axilette, de Mlle Romani, nous aurons à peu près épuisé la série des peintures dans lesquelles apparaît une recherche intéressante de la beauté humaine et de la vérité plastique. Parmi les études de figures expressives, la plus aimable certainement est la jeune fille rougissante, au sein nu, au regard ferme et tendre, que M. Raphaël Collin appelle l’Adolescence. C’est de la peinture bien mince, à fleur de toile, presque fuyante, mais toute pleine de nuances délicates et d’intentions exquises. On s’arrête aussi avec plaisir devant les deux jeunes femmes en buste, 1789 et 1889… où M. Tony Robert-Fleury se montre, comme il l’est souvent, un dessinateur très sûr et un peintre distingué.