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autour de notre gouvernement comme autour de tous les gouvernemens, que ceux qui viennent d’être jugés ont fait tout ce qu’ils ont pu pour capter la confiance de notre administration et qu’ils en ont abusé, qu’ils ont pu surprendre quelques secrets de nos fabrications et qu’ils en ont trafiqué avec des maisons étrangères. C’est une vilaine histoire assurément, ce sont des faits coupables justement punis ; mais ce qu’il y aurait de plus fâcheux, ce serait d’exagérer la portée d’un incident qui laisse heureusement notre défense intacte, de confondre les responsabilités, de faire de la chambre une sorte de comité d’enquête générale on ne sait sur quoi, — sur toute notre administration militaire. Car enfin à quoi cela peut-il servir ? On ne pouvait pas décemment mettre en cause l’intégrité du gouvernement : M. le président du conseil, ministre de la guerre, a déclaré avec une juste fierté qu’il ne supporterait pas un instant une apparence de suspicion, et on lui a répondu par un vote de confiance. La question politique était tranchée. Le malheur de tels débats seulement est de faire supposer des mystères, de laisser s’égarer les soupçons sur des chefs militaires, d’émouvoir l’opinion, — de créer en un mot une vague inquiétude, là où on devrait avant tout s’étudier à maintenir la fermeté et la confiance pour l’honneur et la sûreté de la France.

Sans se laisser aller à un vain et puéril optimisme qui ne servirait à rien, on pourrait dire cependant qu’en Europe, à l’heure qu’il est, en dépit des armemens et des inventions meurtrières, qu’on se dispute, les chances de la paix restent toujours assez sérieuses. Ce n’est point, en vérité, parce que la triple alliance, cette triple ou quadruple alliance dont on ne cesse de parler, serait renouvelée ou étendue ou combinée dans d’autres conditions, que la paix reste vraisemblable : si elle n’avait que cette garantie, elle serait fort en péril. Si la paix dure, si elle se prolonge, c’est qu’elle répond à un vœu universel, c’est qu’il n’y a pas de volonté assez hardie ou assez imprévoyante pour déchaîner l’orage de feu et de fer dans l’Europe civilisée ; c’est aussi parce qu’il y a dans presque tous les pays assez d’affaires pour donner du travail aux assemblées et aux gouvernemens. Pour le moment, on paraît plus porté à s’occuper des sessions laborieuses qui s’achèvent et des vacances qui s’approchent, du repos promis aux parlemens et des voyages médités par les souverains, que de la préparation de crises prochaines. L’empereur Guillaume II donne le signal. Il ne se repose guère, le jeune et impétueux souverain. Il est partout, il visite des cercles d’étudians, il change ; chemin faisant, quelques-uns de ses ministres. Il agit et il parle en prince qui veut bien qu’on sache, comme il le disait récemment encore, qu’il n’y a qu’un maître, que ce maître, c’est lui et qu’il n’y en a pas d’autre. Aujourd’hui, il boucle ses valises pour commencer ses voyages, et, en attendant, après avoir congédié il y a quelques jours le parlement de l’empire, il vient de clore ces jours