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L'ART ET LA NATURE

TROISIÈME PARTIE[1]

LES CHAGRINS, LES TOURMENS DE L’IMAGINATION ET SA DÉLIVRANCE PAR LES ARTS.


XIII.

Les esthéticiens qui décident trop hardiment que l’art est supérieur à la nature en prennent à leur aise et posent mal la question. Ils raisonnent comme si nous avions à choisir entre une matière brute et une matière façonnée, entre un or vierge et un or travaillé, entre un diamant empâté dans sa gangue et un diamant taillé. Ils oublient que la nature est la grande, l’éternelle inspiratrice des artistes, ils oublient aussi qu’il y a un art naturel, instinctif dans toutes nos images, dans toutes les représentations esthétiques que nous nous faisons des choses. Pour le répéter une fois encore, on ne trouve pas de paysages tout faits dans la nature ; ils se font dans notre imagination. Vous les voyez, tel paysan ne les voit pas. Il a peut-être de meilleurs yeux et autant

  1. Voyez la Revue du 15 juin et du 1er juillet.