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partie des bataillons de Cuesta se composaient de volontaires de nouvelles levées ; ces hommes étaient terrifiés. On vit des bataillons entiers ne point faire feu, demandant, à genoux, la vie à nos soldats qui les égorgeaient, sans pitié, à coups de baïonnette. Tous les fuyards, qui cherchaient à gagner la montagne, lurent atteints et massacrés par notre cavalerie. »

Le soir, les Espagnols n’avaient plus un bataillon entier. La bataille de Medellin avait été le coup de grâce de l’armée qui, sous les ordres du vieux général Cuesta, avait été réunie pour couvrir l’Andalousie[1].

La bataille de Medellin avait été livrée par environ 12,000 Français contre plus de 40,000 Espagnols, sur lesquels on en tua environ 14,000. Elle fut, dans ces proportions, une des plus sanglantes du siècle et contribua beaucoup, malheureusement, à développer le caractère de férocité qui caractérisait la guerre d’invasion en Espagne et en Portugal.

Le 18 novembre, étant très malade de la fièvre, je partis pour Madrid. Ce qui diminua mes regrets, c’est que le 1er corps ne devait pas assister à la bataille d’Ocaña, qui fut livrée le 19. Le maréchal Soult avait remplacé le maréchal Jourdan en qualité de major-général ; il n’aimait pas le maréchal Victor, qui le lui rendait bien. Le major-général avait fait remplacer, dans la Manche, le 1" corps par le 5e, beaucoup moins nombreux que lui. Il est probable que, sans ce changement, la bataille d’Ocaña eût été pour nous une victoire moins meurtrière.

Vers le milieu de décembre, le bruit courait à Madrid que l’on allait exécuter enfin l’expédition d’Andalousie, dont on parlait depuis si longtemps. Je désirais beaucoup en faire partie. Je quittai Madrid le 18 décembre et rejoignis mon régiment le 22, à Day-miel.


Campagne d’Andalousie.

La paix avec l’Autriche avait été signée, le 14 octobre 1809, sous forme d’un traité auquel on avait donné le nom de traité de Vienne. C’était depuis 1792 le quatrième traité de ce nom.

  1. Après avoir eu la conscience de reconnaître devant les officiers que la bataille de Medellin avait été livrée en dehors de lui et malgré lui, le maréchal Victor et son état-major ne se montrèrent pas aussi sincères dans les rapports qu’ils adressèrent au roi d’Espagne et à l’empereur. Ils imaginèrent, après l’événement, un plan, un dispositif de bataille, des manœuvres, qui avaient décidé la victoire. Ces rapports ont trompé tous les historiens. (P. V. R.)