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la Bible, hébraïques et grecques, latines et françaises, anglaises et allemandes, c’est que le possesseur en a sans doute l’usage ? « Pour Dieu ! comme il l’a dit dans sa langue énergique, ne pensons pas être les seuls hommes, et que toute la sagesse soit dans notre esprit, dont nous vantons la délicatesse. » A vrai dire, toutes les difficultés que la critique de son temps, catholique, protestante, ou libertine a élevées contre l’authenticité des livres saints, Bossuet les a connues. Il en a prévu les conséquences prochaines, et il a essayé d’y parer. C’est en partie pour cela qu’il a composé son Discours, « dont les derniers chapitres de la seconde partie, nous dit l’abbé Ledieu, étaient pour lui la preuve complète de la vérité de la religion et de la certitude de la révélation des Livres saints contre les libertins. » Et là enfin est la raison de la sollicitude avec laquelle, jusqu’à son dernier jour, lui qui laissait volontiers ses autres ouvrages à leur fortune, il a revu et corrigé son Histoire universelle.

A cet égard la comparaison des trois éditions qu’il en a données lui-même, en 1681, 1682 et 1701, est curieuse et instructive. Mais ce qui l’est bien plus encore, c’est de constater ce qu’il a laissé dans ses papiers de corrections ou d’additions au texte même de 1701. Il y en a qui forment jusqu’à des chapitres entiers, comme celui qu’il a intitulé : Moyen facile de remonter à la source de la religion, et d’en trouver la vérité dans son principe. C’est le vingt-neuvième de la seconde partie, dans nos éditions actuelles, où il ne figure que depuis 1806. Le début en est significatif. Bossuet vient de développer les argumens qu’il oppose à Richard Simon, et il reprend : « Mais comme tous les esprits ne sont pas capables d’un raisonnement suivi, prenons par la main les plus infirmes, et menons-les doucement jusqu’à l’origine… » D’autres additions ne sont guère moins importantes. Mais tandis qu’elles se rapportent toutes à la seconde partie, il ne s’en est point trouvé pour les Époques ni pour les Empires, ou de tellement insignifiantes qu’il est inutile d’en parler. Preuve assez évidente à la fois, et du prix que Bossuet attachait à cette seconde partie ; et de sa préoccupation de rétablir ce qu’il croyait être la vérité contre les attaques ou les insinuations des nouveaux critiques ; et des craintes enfin que lui inspirait le progrès croissant du « libertinage. » Qui ne sait, au surplus, qu’il est mort, pour ainsi parler, sur sa Défense de la tradition, laquelle, n’étant qu’une réponse à l’Histoire critique du Nouveau Testament, du même Richard Simon, n’est donc aussi qu’un appendice ou une continuation du Discours sur l’histoire universelle ?

C’est alors, après avoir comme balayé le terrain de tous les obstacles où pouvait se heurter le dogme de la Providence, et alors