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suivant, pour préserver du feu les corps, les armes, les bois, les navires et les chevaux. On pétrit ensemble du talc, de l’argile, de la gomme arabique, de la larme, du blanc d’œuf, de l’urine, en y ajoutant du vinaigre, et on enduit les objets avec ce fut, véritable compost d’alchimiste.

Tels étaient les moyens employés pour propager le feu, ou pour le combattre, dans la poliorcétique courante des anciens. Mais, outre les méthodes incendiaires classiques, en quelque sorte, que je viens de décrire, il y avait encore des procédés secrets, tenant à la magie, mélanges de faits réels et de fantasmagorie, et dont il convient de parler maintenant, car ils sont connexes aux précédens et exposés simultanément dans le Livre des feux de Marcus Græcus.

Il s’agit des pyrophores et des matières phosphorescentes.

Nous désignons aujourd’hui sous le nom de pyrophores certains produits inflammables au seul contact de l’air, ou de l’eau. La connaissance de quelques-uns d’entre eux par les anciens paraît résulter de divers textes. Athénée, par exemple, parie d’un prestidigitateur nommé Xénophon, qui savait produire un feu naissant de lui-même αὐτόματον πῦρ (automaton pûr). Julius Africanus, compilateur du iiie siècle de notre ère, qui a traité spécialement des choses militaires, entre à cet égard dans plus de détails : il donne la recette d’un feu de même nom, composé avec du soufre, un sel fossile, de la pyrite, du bitume fluide de Zacynthe, de la chaux vive, etc. « Cette matière, dit-il, est susceptible de prendre feu spontanément ; si l’on enduit avec, sur le soir, les armes des ennemis, elles s’enflammeront au soleil. » Dans la compilation de Marcus Græcus, qui renferme beaucoup de recettes antiques, on trouve des recettes incendiaires analogues, qui, dit l’auteur, s’allument au soleil levant. — Il est difficile d’attribuer une créance absolue à ces descriptions, remplies à la fois de détails vagues et d’exagérations. Mais il est certain que les compositions indiquées sont bien voisines des suivantes, plus nettes et plus efficaces ; l’une est donnée par Marcus Græcus, une autre publiée par Porta, dans sa Magie naturelle, au XVIe siècle ; une dernière, dans le Livre de canonnerie, à la même époque.

La première, baptisée du nom de vin, consiste dans un mélange de chaux, de cire, d’huile, de gomme arabique et de soufre ; la seconde est une association analogue du soufre avec le salpêtre et la chaux vive : l’eau, ajoute l’auteur, enflamme le système.

Or ces recettes répondent à des pyrophores véritables, la chaleur dégagée par l’hydratation de la chaux vive suffisant pour mettre le feu au soufre, surtout lorsqu’il est mêlé de salpêtre et de matières inflammables. On sait aujourd’hui que l’eau jetée sur la chaux vive fait prendre feu à ta poudre à canon. On sait également que les