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de commerce : 1,850,000 hectolitres en 1886 et 2,783,000 en 1887[1]. Cette production enrichissait surtout les Fouilles et la Sicile. L’on fit alors de grandes dépenses pour transformer les cultures et planter la vigne, et l’on obtint de beaux bénéfices. Tout cela maintenant a bien changé ! L’exportation pour la France est tombée à 19,000 hectolitres en 1890 : un peu plus d’un centième de ce qu’elle était en 1886, et la prospérité a fait place à la misère.

Le ministre de l’agriculture a dit, pour nous consoler, dans un récent discours à Naples, qu’il fallait tenir compte de ce que l’exportation du vin pour la Suisse avait doublé. Il est vrai, en effet, qu’elle a augmenté de 133,000 hectolitres de 1886 à 1890, mais c’est là une bien maigre compensation pour les 1,831,000 hectolitres, perdus du côté de la France[2].

Au reste, si nous prenons les chiffres de l’exportation totale du vin en futailles de l’Italie, nous trouvons 2,331,000 hectolitres en 1886, 3,582,000 en 1887 et seulement 904,000 en 1890. Ces faits réduisent à néant toutes les compensations imaginées par les gens qui veulent à tout prix faire croire que l’Italie n’a eu qu’à se louer des résultats de sa nouvelle politique.

Pour tâcher de masquer les maux trop réels dont souffrait le pays, le gouvernement accorda en août 1888 une prime déguisée pour l’exportation des vins. Il fixa, pour cela, à 11 degrés la force alcoolique naturelle des vins des Fouilles, et promit de payer aux exportateurs 1 fr. 62 par degré en plus et par hectolitre, à titre de remboursement de la taxe de l’alcool, qu’il supposait avoir été ajoutée. Or, comme la force alcoolique des vins des Fouilles est généralement de 13 degrés, et quelquefois de 15, il n’y avait nul besoin d’ajouter de l’alcool pour toucher la prime, et l’État dépensait ainsi près de 4 millions par an. La nécessité de faire des économies sur le budget obligea de revenir sur ces dispositions. Elles furent révoquées le 8 novembre 1889, puis de nouveau remises en vigueur par une loi du 10 mai 1890, mais en fixant à 1 million 300,000 francs la somme maxima qu’aurait à payer le trésor

  1. Ce sont les chiffres de la statistique italienne. Ceux de la statistique française sont : 1,908,000 hectolitres pour 1886, et 2,707,000 pour 1887. Cette année a été exceptionnelle, l’exportation ayant beaucoup augmenté en prévision de la rupture du traité de commerce. Il s’agit seulement des vins en futailles, l’exportation de l’Italie en France du vin en bouteilles est insignifiante. Pour tous les pays, cette exportation a été de 22,000 hectolitres en 1889 (en comptant la bouteille pour 3/4 de litre), tandis que la France a exporté 312,000 hectolitres de vin en bouteilles.
  2. On a voulu voir aussi une compensation à la diminution de l’exportation du vin en futailles dans l’augmentation de l’exportation du vin en bouteilles. Or de 1887 à 1890, l’Italie perd 60 millions de francs sur la première et gagne 1 million 1/2 sur la seconde !