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de revenir auprès de maître Guillaume de Villon. Beaucoup des pièces qu’il y inséra avaient été composées depuis longtemps. Mais divers indices montrent que, contrairement au témoignage de son contemporain Eloy d’Amerval, ce n’est pas à Paris qu’il termina son poème. Il croit d’abord que Robert d’Estouteville est encore prévôt de Paris en 1461, quoique le roi Charles VII lui eût retiré ses fonctions dès 1460, et que Louis XI eût confirmé sa disgrâce. Il ne fut rétabli à la charge de prévôt qu’en 1465. Villon parle aussi de la Maschecroûe, comme si elle était encore vendeuse de volailles près de la porte du Grand Châtelet. M. Longnon a retrouvé cette poulaillière dans les censiers du Temple. Elle se nommait vraiment Machico, veuve d’Arnoul Machico, et au moins depuis 1443 elle habitait cette maison de la Porte de Paris. Sa réputation était ancienne. Mais, en 1461, la Machico était morte, et sans doute depuis une année ; sa maison était inhabitée, et personne ne lui avait succédé dans son commerce. François Villon l’ignorait aussi, et certes s’il avait été à Paris, il aurait souvent passé devant la Machico, à la porte du Grand Châtelet.

Sa dernière captivité l’avait impressionné plus fortement. Il y a dans le Grand Testament de sérieuses préoccupations morales, et la tentative évidente de composer un traité édifiant. Comme il fallait nécessairement dans une œuvre de ce genre placer l’invocation traditionnelle à Notre-Dame, François Villon inséra dans le Grand Testament la ballade qu’il fit pour sa mère. Il parle à la sainte Vierge au nom de sa pauvre mère illettrée. Le poème est admirable. Villon a su merveilleusement adapter ses sentimens et leur expression. Là, comme ailleurs, il a fait œuvre littéraire. On ne saurait demander tant de foi naïve à l’homme qui avait écrit, pourtant dans un moment de haute sincérité, pour éloigner ses amis du vol et du meurtre :


Ce n’est pas ung jeu de trois mailles,
Où va corps, et peut-estre l’âme,


et qui terminait son œuvre, en parlant de sa propre mort, par cet envoi :


Prince, gent comme esmerillon,
Sachez qu’il fist, au départir :
Ung traict but de vin morillon,
Quant de ce monde voult partir.


Enfin, après avoir terminé le Grand Testament, François Villon rentra à Paris. On dut aussitôt copier et répandre son poème.