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de son chemin, c’est bien celui qui nous occupe actuellement. Tant que, maintenu entre les collines, il a eu une étroite vallée, un lit encaissé, il a coulé comme tout autre cours d’eau. Mais à partir de Pitniak[1], il mérite bien un peu ce nom de fleuve ignorant. Sur la droite, sont les ruines de grandes villes qu’il arrosait jadis. Sur la gauche, on trouve les traces de trois anciens lits, dont le plus important, nommé encore par les indigènes Kounia-Daria, c’est-à-dire vieux fleuve, est visible sur une longueur de 373 verstes, jusqu’au lac Sari-Kamish. Aussi pense-t-on justement que l’on pourrait rejeter le fleuve dans cet ancien lit, et utiliser, par des irrigations, l’eau qui va inutilement se perdre dans la mer d’Aral.

Une longue bande de terre humide garnie de tamaris et d’arbrisseaux, suivant les traces de l’ancien lit, semble indiquer qu’une sorte de courant d’eau souterrain existe en cet endroit. L’eau du Sari-Kamish est salée, amère. Les rives sont d’argile sablonneuse.

Le Sari-Kamish se compose de deux lacs.

Une tentative pour faire reprendre au Daria son ancien lit fut faite en 1890. Elle demeura inachevée. Espérons que les sommes enfouies dans ce premier travail ne seront point perdues, et qu’un effort plus persévérant suffira pour mener à bien cette entreprise.

C’est une grosse question pour le Kharezm, car l’eau permettra d’irriguer toute une partie de la steppe, de créer une nouvelle contrée. Quant à la mer d’Aral, si le dessèchement s’en fait peu à peu[2], il n’y aura là rien de bien regrettable. C’est une mer inutile pour le commerce. Quelques barques de pêcheurs la sillonnent seulement. La flottille militaire russe a été supprimée depuis quelques années.

L’époque des hautes eaux du fleuve a lieu au temps des grosses chaleurs qui produisent la fonte des neiges sur le haut fleuve, pendant juin, juillet et août. Les pluies d’automne et de printemps se font sentir dans le régime des eaux, mais trop faiblement, sur- tout au printemps, car souvent l’agriculteur ne peut cultiver son champ en avril faute d’eau. Pour avoir des eaux d’irrigation au printemps, on reporte vers l’amont la tête des hariks en créant de nouvelles embouchures, comme on l’a vu faire à Choura-Khan.

  1. A Pitniak, le fleuve décrit un arc de 20 verstes, ayant une corde de 6 1/2 verstes. — Dorandt, 7 juillet 1875, 2 verstes en amont de Pitniak. — Profondeur moyenne du lit, 3,532 mètres ; vitesse moyenne du courant, 1,673 mètres par seconde ; largeur, 604 mètres ; écoulement d’eau par seconde, 3,507 mètres cubes.
  2. Voir Elisée Reclus, Géographie de l’Asie.