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C’est une culture du sol parcellaire. Chaque champ, entouré d’un petit mur en terre, est cultivé et sarclé avec soin. Y a-t-il quelques champs autour d’un fossé d’irrigation, aussitôt voici un petit hameau, une agglomération de cabanes en terre aux toits plats.

Ces sédentaires d’Asie vivent exclusivement du produit de leurs champs, et n’ont point de troupeaux errant dans la steppe. Posséder des champs irrigués et un troupeau dénote une grande fortune : quelques-uns s’occupent de commerce ou sont tisserands, selliers, etc., car les nomades ne font que paître leurs troupeaux.

Nous entrons ici dans les oasis khiviennes que nous couperons ou côtoierons jusqu’à Khiva. On nomme oasis khiviennes les terres irriguées par les dérivations tirées sur la rive gauche de l’Amou, entre Pitniak au sud et Nokouze, tête du delta, au nord. Le Palvanata-harik, qui arrose Khiva et a une longueur de 100 verstes, le Chah-abbat-harik, qui se termine dans les sables, au-delà d’Iliali, et a une longueur de 135 verstes, sont les deux principaux canaux de cette région. Il y en a sept autres moins importans ayant une longueur de 80 à 25 verstes, que nous n’énumérerons pas ici.

Ces oasis présentent donc de longues bandes de terres irriguées, s’étendant le long des canaux amenant l’eau du fleuve et s’enfonçant dans la steppe.

La surface des terres irriguées n’a jamais été évaluée qu’approximativement. Ces oasis forment le long du fleuve une bande de culture s’avançant dans la steppe par des prolongemens, par des sortes de caps de verdure. Nous les couperons successivement en nous avançant vers Khiva.

Khodjeili, première ville que traverse la route, ne présente aucune particularité. Elle a 100 à 150 maisons. Au dire des habitans, ils seraient tous des khodjas[1], d’où serait venu le nom de Khodjeili. On continue la route sur Kounia-Ourgendj. Dès que l’on quitte Khodjeili, l’oasis prend fin et le pays inculte, la steppe, apparaît de nouveau, pour peu de temps cette fois, car les moindres affaissemens du sol sont remplis d’eau. Devant nous, se dresse Guiaour-Kala, vieille citadelle en ruines, et à côté, sur une autre éminence, la tombe de Meslimi-Khan, sainte femme de la race de Mahomet. Le lieu est vénéré, et de nombreuses tombes s’étagent sur la colline. C’est le matin, et ces ruines, ces tombes éclairées par les premiers rayons du jour, s’enlèvent en rose pâle sur le bleu flou du ciel.

— La route est mauvaise, me dit le guide, il y a beaucoup d’eau.

En effet, à peine a-t-on dépassé les ruines, que l’on côtoie une immense étendue d’eau, couverte de roseaux.

  1. On nomme khodja tous ceux descendant ou prétendant descendre de Mahomet.