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autre : « Nous sommes une race sans chefs, nous sommes tous égaux, chacun de nous est roi. »

Nous échangeons les souhaits de bon voyage, et nous continuons la route dans le désert.

Enfin, voici des arbres qui apparaissent là-bas sur l’horizon bleu. Le soir approche. Le vent apporte un parfum d’eau fraîche, de terre humide, d’herbes vertes, et l’on oublie, dans l’approche de la halte, les longues heures de trot dans la steppe, dans l’air brûlant et sec. Voici maintenant les champs garnis d’arbres, puis les rues du petit hameau où l’on fera étape. On me conduit dans un beau jardin au milieu duquel s’élève une maison. Le couchant jette une teinte rose pâle sur ses murs en pisé. Dans le bassin plein d’eau, se mirent les peupliers élancés au feuillage grêle. C’est un paysage très fin aux teintes légères, aux teintes d’aquarelle très pures sur le bleu pâle du ciel.

Le lendemain, la halte du matin se fit à Tachaouze. Nous entrons en plein pays uzbeg. Les champs sont bordés d’arbres et, à la traversée des villages, des femmes au long voile noir s’effacent dans les ruelles.

Les Uzbegs des oasis khiviennes sont des agriculteurs. Nous avons déjà vu des Uzbegs en parcourant le bazar de Khiva, et nous en avons parlé alors comme commerçans. Voyons-les maintenant cultivant leurs terres.

Ayant énuméré, lors de l’arrivée dans les oasis, à Khodjéili, les principales cultures, disons quelques mots de exploitation du sol.

C’est une culture parcellaire, et la terre est tellement divisée que l’unité de mesure agraire, le tanap, vaut le sixième d’un hectare. Grâce à des soins incessans, à de continuels travaux d’entretien des canaux, subsistent ces oasis, qui sont, à proprement parler, une création humaine.

Bien qu’ayant leur culture dans le voisinage des steppes, où les nomades font paître leurs troupeaux, ces sédentaires ont rarement un nombreux bétail. Une ou deux vaches et quelques chèvres, tels sont tous les animaux d’une demeure. Ajoutez-y quelques bœufs indispensables pour la culture du riz. Le coton est une des principales productions du pays, mais le coton américain est à peine connu et l’espèce indigène à fleurs jaunes est seule cultivée.

Le niveau des eaux du fleuve, trop bas au printemps, nuit surtout à l’extension des oasis. L’été, il faut même avoir recours aux roues élévatrices (tchiguir) pour irriguer les champs.

La production annuelle du froment, du riz et du sorgho suffit à peine aux besoins de la consommation locale. Le coton et les peaux brutes sont les seuls objets d’exportation. Tchardjoui au sud, Orenbourg