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au nord, sont les seuls points par lesquels les produits du Kharezm puissent parvenir en Russie.

Les demeures des Uzbegs sédentaires sont en pisé. Les murs sont de brique crue et le plafond se compose de quelques légères tiges de bois supportant des roseaux et des mottes de terre. Les étables et hangars pour les bestiaux sont faits de matériaux analogues.

Quant au bois, le pays en est dépourvu à tel point que sédentaires et nomades utilisent, pour le chauffage, les fientes desséchées des animaux.

Ces agriculteurs, vivant des produits d’un champ exigu, se nourrissant l’été de melons et des fruits du verger, ont une vie assez misérable.

Tachaouze était jadis, avec Khiva et Azar-asp, une des grandes forteresses du Kharezm. Elle aurait été construite par Ali-Kouli-Khan. C’est en causant avec le beg de Tachaouze, haut fonctionnaire khivien, que j’entendis la conversation suivante. Le beg m’offrant le dasterkhan (thé et sucreries que l’on présente au voyageur qui arrive), on causait des pays parcourus. Je lui disais que j’étais Français, et étais venu à Khiva à travers Constantinople. Il m’écoutait gravement, du ton de l’homme qui connaît beaucoup de choses et que rien ne saurait intéresser.

— Maître, lui demanda un valet qui remplissait la tasse de thé, qu’est-ce que la France ?

— La France, reprit le beg d’un air grave, mais ne sais-tu donc pas, imbécile, que c’est une province du sultan de Constantinople ?

Tachaouze est un centre important pour le commerce du coton. On y compte trois cents boutiques, six mosquées.

Laissant à l’est Kiat[1], qui n’a aucun monument ni aucune ruine qui mérite de fixer l’attention, on marche sur Khiva. Champs cultivés au bord des hariks, steppe apparaissant entre les systèmes d’irrigation, tout cela se succède devant vous, au trot du cheval. Parfois, l’on coupe de grands espaces incultes et dénudés ou des champs cultivés sans qu’on puisse trouver un coin d’ombre pour faire halte.

Enfin, voici quelques arbres, un bouquet au bord du chemin, une hutte en roseaux ou en boue. C’est un tchaï-hanè (débit de thé) et, fatigué de la poussière de la route, de la chaleur du jour, c’est une halte délicieuse sous l’ombre des arbres et dans la fraîcheur relative de l’air. On s’assied sur le tapis, on boit le thé ; mais l’étape est longue, il faut se remettre en route.

Ce qu’il y a de beau en ce pays, c’est la lumière, une lumière

  1. Kiat, qui fut la capitale du pays avant Kounia-Ourgendj, n’est plus aujourd’hui qu’un misérable hameau.