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soirée, la première ligne demeura en activité, et quand à onze heures du soir on se retira pour la nuit, on avait produit une somme raisonnable de tapage. Le ciel ne voulut pas être en reste, car, à trois heures du matin, le tonnerre se fit entendre : un orage arrivait du nord et de l’ouest, et une heure après, la pluie commençait et durait jusqu’à huit heures du matin. Les cowboys rapportèrent que la pluie s’était étendue sur une superficie de plusieurs centaines de kilomètres carrés, et depuis trois ans, selon eux, le sol n’avait reçu pareil arrosage.

Tels furent les résultats de l’expédition du général américain ; il faut ajouter, du reste, qu’en sus des trois orages qui suivirent les trois expériences principales, il tomba encore neuf ondées durant les seize jours que l’expédition passa dans le Llano Estacado, phénomène extraordinaire pour la localité et la saison, nous est-il dit. Si l’on tient compte du fait qu’à certaines occasions la pluie commença à tomber dès que les explosions avaient eu lieu, — douze secondes après la première de celles-ci, — on conclura peut-être avec le général Dyrenforth « que l’ébranlement résultant des explosions exerce un effet marqué sur les conditions atmosphériques en produisant de la pluie, probablement en troublant les courans supérieurs de l’air, et que, quand le temps est menaçant, — phénomène fréquent dans ces-régions arides, bien qu’aucune pluie ne s’ensuive, — on peut provoquer la chute de la pluie presque immédiatement par le choc des gouttelettes d’humidité suspendues dans l’air[1]. »

À vrai dire, la conclusion est vraisemblablement prématurée, et cela pour plusieurs raisons. La première est que l’expérience même qui vient d’être relatée n’a point été conduite dans des conditions satisfaisantes. Il faudrait posséder des données exactes, — et non de simples affirmations de cowboys, — sur le régime normal de la localité ; il faudrait savoir exactement quelle est la quantité d’eau pluviale qui tombe chaque année, — si petite soit-elle, — et connaître la saison où cette eau tombe de préférence : il faudrait posséder des renseignemens précis et recueillis de longue date, chose qui ne s’improvise point. Cela est d’autant plus nécessaire que la voix enthousiaste du général Dyrenforth n’a pas provoqué d’écho. On a dit que l’expérience a été faite dans la saison pluvieuse, et que la pluie a été beaucoup plus forte au loin qu’elle ne l’a été sur le lieu même de l’expérience. Un autre point est peu clair. Le général nous parle d’un vent fort ayant une vitesse considérable ; mais comment l’atmosphère ébranlée par les coups de

  1. North American Review, octobre 1891.