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directement aux explosions, et qu’elle en soit l’effet, — la pluie a été due à l’ébranlement de l’atmosphère. La secousse physique dont celle-ci a été agitée, au moment où les gaz dégagés par l’explosion ont fait irruption dans l’air, cette secousse dont chacun a pu plus ou moins apprécier les effets, après une explosion de gaz, de poudre ou de dynamite, cette secousse, qui est souvent si formidable, serait capable de déterminer le rapprochement des gouttelettes d’eau menues dont sont formés les nuages, et devenues plus volumineuses et plus pesantes, ces gouttes tomberaient sous forme de pluie. C’est là, il faut bien le dire, la partie la plus neuve des travaux de M. Dyrenforth : jusqu’ici les météorologistes ne s’étaient point doutés de ce mécanisme de la formation de la pluie ; et peut-être éprouveront-ils quelque hésitation à adopter une théorie aussi extraordinaire[1].Ils savent tous que l’air contient une proportion variable de vapeur d’eau, non de la vapeur visible, comme celle qui s’échappe de l’eau chauffée, — et qui d’ailleurs n’est pas de la vraie vapeur, — mais une vapeur invisible, répandue dans l’atmosphère. Celle-ci contient encore des nuages, c’est-à-dire des amas de gouttelettes d’eau très ténues, quelque chose de différent de la vapeur, par conséquent. Les nuages dérivent de la vapeur d’eau, résultent de la condensation de cette vapeur en gouttelettes, et cette condensation s’opère sous l’influence d’un certain refroidissement : le refroidissement est indispensable. Mais le son ne saurait en aucune façon remplacer le refroidissement, cela ne s’est point encore vu. Tandis qu’on produira à volonté la condensation par le refroidissement, — mille expériences de laboratoire et observations journalières le montrent assez, — nul ne l’a encore provoquée par l’ébranlement mécanique de l’atmosphère chargée de vapeur d’eau. Au surplus, s’il suffit d’une seule explosion d’un ballon d’hydrogène et d’oxygène à quelque 800 ou 1,000 mètres dans l’air pour déterminer une ondée sur une superficie de quelques milliers de mètres carrés, à coup sûr un coup de revolver, ou dix, ou cent, devront produire de la pluie dans une chambre. Faites donc l’expérience, et notez le résultat.

Pourtant, il a plu, nous répliquera-t-on une fois encore. Sans doute, il a plu : mais peut-être eût-il plu quand même. Écartons toutefois cette observation. Il est évidemment très malaisé de comprendre

  1. M. Simon Newcomb, un des hommes les plus autorisés dans la matière, a fait de l’interprétation de son compatriote une critique très sûre et très pénétrante dans la North American Review, d’octobre 1891. Aucun physicien ou météorologiste compétent n’a encore fourni de faits susceptibles de venir à l’appui de la théorie du général Dyrenforth.