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perturbations atmosphériques, et même subsidiairement, soit dit en passant, les maladies de la vigne, de la pomme de terre et du ver à soie, qui sont un « résultat de l’altération de l’air produite par la combustion de la prodigieuse quantité de poudre qui se consomme de nos jours, » voire même la coqueluche, maladie qui a fait invasion à l’époque où l’usage de la poudre commença à se généraliser ! Ces vues ont à coup sûr le mérite d’une incontestable originalité ; mais jusqu’ici la science ne les a point confirmées, tant s’en faut. Nous n’entrerons pas dans la discussion des faits, mais encore convient-il de rappeler brièvement quelques-unes des observations de M. Le Maout sur la corrélation entre les vibrations sonores et la pluie. La première eut lieu le 22 avril 1854. Ce jour-là, la forteresse d’Odessa fut bombardée, et, moins d’une heure après (je pense que M. Le Maout a fait les corrections nécessaires), à Saint-Brieuc, c’est-à-dire à plus de 2,300 kilomètres à vol d’oiseau, M. Le Maout vit le ciel se voiler, puis il plut et il fit du vent, et le baromètre monta. Inutile de dire que, le télégraphe n’existant point à cette époque entre la Crimée et Paris, M. Le Maout n’a établi de rapport entre les deux phénomènes qu’après coup, en consultant ses notes météorologiques. D’autres observations analogues furent faites aux jours correspondant aux batailles de l’Aima, de Balaklava, d’Inkermann. Cette dernière eut lieu le 5 novembre. Le 6, à la suite de ses observations pour le 5, M. Charles Le Maout écrivit au ministre de la guerre en lui annonçant « qu’une affaire qui pouvait avoir décidé du sort de nos armes en Crimée avait eu lieu la veille. » Le ministre en fut naturellement fort étonné, mais il dut, une fois reçues les nouvelles du théâtre de la guerre, onze jours plus tard, reconnaître que la prédiction n’était point absolument inexacte.

Il peut sembler étrange que le canon de la Crimée ait fait pleuvoir à Saint-Brieuc ; mais pour M. Le Maout, cela ne fait pas l’objet du moindre doute : au bout d’une heure ou deux, — de 60 à 100 minutes, — la canonnade amenait la formation de nuages et de pluie, et quand le combat était suspendu par un armistice de deux ou trois heures, M. Le Maout s’en apercevait invariablement au rétablissement temporaire de l’ordre. Durant la campagne d’Italie, le météorologiste breton fît des observations analogues, et nota le contre-coup des batailles sur le climat de la Bretagne, et c’est de ces coïncidences qu’il partit pour conclure à la possibilité d’une action de l’homme sur le climat et en particulier sur le régime des pluies. Il a certainement de beaucoup devancé le général américain. Si jamais il est prouvé que la vibration sonore est capable en elle-même, — et sans dégagement concomitant de