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gaz, vapeur d’eau, et poussière, — de déterminer la condensation de l’eau, s’il y a autre chose qu’une simple coïncidence entre le son des cloches ou des tambours, et la chute de la pluie, Charles Le Maout aura certainement la priorité sur M. Dyrentorth ; et d’un autre côté, s’il y a quelque corrélation positive entre la canonnade de Crimée et les variations météorologiques de la Bretagne, M. Le Maout aura encore la priorité, comme ayant montré que l’influence perturbatrice du son peut s’exercer à des distances que l’on n’eût point soupçonnées. Il faut ajouter que M. Le Maout ne s’est pas seulement occupé de cette influence à distance : il a noté aussi les perturbations locales, et a dressé une liste nombreuse des batailles qui ont été, sur place, suivies d’une précipitation atmosphérique considérable. Telles furent les batailles de Crécy, — la première où parut l’artillerie, — où, au début du combat, dit Mézeray, « un grand orage suivi d’éclairs et de tonnerre versa dessus une si furieuse pluie que la corde des arbalètes, en étant relâchée, perdit sa force ; » de Trafalgar, de Dresde, d’Eylau, de Hohenlinden, Varèse, Marignan, l’Alma, Inkermann, Puébla, Palestre, Magenta, Solférino, — et bien d’autres durant la campagne d’Italie, au cours de laquelle le climat de l’Algérie fut d’ailleurs fortement troublé, — tel fut encore le cas en 1870, où la sécheresse extrême qui dura de janvier à juillet, et à l’occasion de laquelle furent ordonnées des prières publiques, fut suivie, après l’entrée en campagne, de pluies très nombreuses. M. Le Maout était trop convaincu de l’exactitude de ses observations pour hésiter à les mettre à l’épreuve, et dès 1857 voici ce qu’il écrivait au ministre de l’agriculture :

« Je vous ai signalé, monsieur le ministre, les étonnans effets du canon et du son des cloches qui déterminent si facilement des tempêtes, et la possibilité de changer le siège de celles-ci, en déplaçant le foyer de la condensation.

« Ainsi que je l’ai établi, dans de nombreux écrits, la pluie, le vent, les tempêtes sont des phénomènes déterminés par des causes artificielles, dont les principales sont les bruits humains. Je ne crains pas de sortir du vrai, en disant que l’homme se fait lui-même le ciel dont il se plaint si souvent.

«… Un des côtés sérieux de cette découverte est l’application qui en pourrait être faite à l’agriculture. Déterminer, selon les besoins successifs de l’ensemble des biens de la terre, la température la plus appropriée à la végétation, en vue d’en obtenir les plus forts produits, était un beau problème à résoudre. Eh bien ! je ne crains pas de le proclamer hautement : ce problème est résolu, et il ne tient qu’à vous, monsieur le ministre, d’en constater la réalité.